Le massacre de Zhanaozen

Sept mois avant le spectacle du Cirque du Soleil, un incident violent au Kazakhstan a fait les manchettes aux quatre coins du monde. Dans la ville minière de Zhanaozen, la police a ouvert le feu sur des centaines de mineurs qui occupaient un parc de la ville depuis plusieurs mois. Au moins dix-sept personnes ont perdu la vie, et plus d'une centaine ont été blessées. Des centaines de personnes ont été arrêtées, et plusieurs affirment avoir été sévèrement torturées en prison. L'ONU a plusieurs fois demandé, en vain, au gouvernement kazakh d'ouvrir une enquête indépendante sur l'incident.

Aron Atabek, poète emprisonné

Au Kazakhstan, défier le pouvoir est une activité dangereuse. Poètes, auteurs, figures religieuses : personne n'est à l'abri des foudres du président Nazarbayev.

Le poète Aron Atabek, 60 ans, est l'un des prisonniers politiques les plus connus du pays.

En 2007, Atabek a été accusé d'avoir organisé des émeutes pour empêcher la démolition d'un bidonville près de la ville d'Almaty, émeutes qui se sont soldées par la mort d'un policier. Il a été condamné à 18 ans de travaux forcés.

Atabek a toujours maintenu son innocence, et a même rejeté un pardon gouvernemental qui l'aurait libéré en échange de son admission de culpabilité.

Atabek est détenu jusqu'à la fin 2014 en détention isolée : quand ses gardes lui permettent de marcher dans la cour, il est menotté et cagoulé, histoire de couper tout lien avec les autres prisonniers. La prison lui fournit du papier et un crayon, mais ses écrits sont régulièrement détruits par le personnel.

Dans une rare entrevue réalisée par Radio Free Europe en décembre 2012, Atabek a dit qu'il connaissait trois prisonniers qui ont succombé aux mauvais traitements et à la torture.

« Ils m'auraient tué il y a longtemps dans cette prison si les gens ne savaient pas qui je suis et ne me défendaient pas, a-t-il confié à Radio Free Europe. Ils ont peur de me torturer et de me battre parce que les organisations internationales me connaissent. Je suis reconnaissant envers les organisations qui me protègent. Je les remercie de tout mon coeur. »

Corruption

Le Kazakhstan est la plus prospère des anciennes républiques soviétiques. Le pays compte aussi parmi les plus corrompus du globe : le Kazakhstan occupe le 133e rang mondial dans l'index Indice de perception de la corruption (CPI) de l'organisation Transparency International, qui a analysé 185 pays.

Avec des réserves considérables de pétrole et de gaz naturel, le Kazakhstan jouit d'une source de revenus importante. Le gouvernement affirme vouloir « faire le ménage » dans les habitudes de corruption du pays, mais dans les faits, rien ne change.

« Le système judiciaire, la police, le système de zonage et des projets de construction sont tous minés par des officiels corrompus », note l'organisation Corruption Crime Compliance, selon laquelle les perspectives de réforme sont « minces » sous le règne du président Nursultan Nazarbayev.

Une avocate à l'asile

Selon Human Rights Watch, le régime kazakh n'hésite pas, pour faire taire la dissidence, à recourir à des stratagèmes qui rappellent les plus sombres moments du régime soviétique. En témoigne notamment le cas de Zinaida Mukhortova, une avocate kazakh qui a été internée de force à plusieurs reprises dans des établissements psychiatriques depuis février 2010. La militante, qui affirme n'avoir aucun problème mental, se dit persécutée par le régime parce qu'elle a écrit en 2009 au président du Kazakhstan, Nursultan Nazarbayev, pour dénoncer l'ingérence d'un élu dans une cause civile où elle jouait un rôle. Mme Mukhortova et trois autres signataires de la lettre ont alors été accusés d'avoir signé une dénonciation délibérément fallacieuse. Dans une entrevue diffusée en novembre 2011, elle a déclaré qu'elle avait été battue et attachée à son lit après avoir refusé de prendre des pilules d'une nature inconnue. La Cour suprême a refusé l'été dernier de statuer sur le cas de la détenue, qui a porté plainte contre la direction de l'établissement où elle est actuellement retenue, dans la ville de Balkhash. « Les autorités kazakhes ne peuvent prétendre que le droit prime alors qu'il est possible d'enlever arbitrairement Mme Mukhortova de sa résidence, de la placer en détention psychiatrique sans procédure en bonne et due forme en plus de l'empêcher de voir son avocat », indique Human Rights Watch.

Un chef de l'opposition derrière les barreaux

La Cour suprême kazakhe a coupé court aux espoirs de Vladimir Kozlov en août en statuant qu'il n'y avait pas lieu de revenir sur le procès controversé qui lui a valu en octobre 2012 une peine d'emprisonnement de sept ans et demi. L'ancien chef du parti de l'opposition Alga, dissout par les autorités en décembre, est accusé d'avoir fomenté « la discorde sociale » en soutenant un soulèvement de mineurs réprimé par les armes en 2011 à Zhanaozen, dans l'ouest du pays. Le régime prétend que l'objectif ultime du leader de l'opposition était d'obtenir le renversement du président Nursultan Nazarbayev, au pouvoir depuis 20 ans. Selon la revue britannique The Economist, l'emprisonnement de M. Kozlov ainsi que la fermeture d'Alga marquent la disparition effective de la dernière force d'opposition du pays.

Photo Anatoly Ustinenko, Reuters

Vue aérienne d'îles artificielles d'un champ d'exploitation de pétrole offshore, dans la Mer Caspienne, à l'ouest du Kazakhstan.