Un vaste incendie dans une usine textile du Bangladesh qui fournissait indirectement du tissu à de grandes marques internationales a fait sept morts mercredi, nouvelle illustration des carences de sécurité de l'industrie textile du pays.

Les pompiers ont lutté toute la nuit contre le feu qui a ravagé l'usine Aswad Knit Composite à Sripu, un immeuble de deux étages situé dans la banlieue de Dacca.

Un correspondant de l'AFP a trouvé sur place des carnets de commandes datés de septembre contenant des noms de clients dont l'américain Gap, le britannique Next, le suédois H&M, l'australien Target et le français Carrefour. Un livret d'échantillons à la marque George (groupe Walmart) a aussi été trouvé.

Gap, Carrefour, Next et H&M ont démenti se fournir directement auprès de cette usine, qu'aucun d'eux n'avait par conséquent audité, mais ont indiqué qu'ils avaient un accord de sous-traitance avec sa maison-mère Palmal Industries, un des principaux fabricants textiles au Bangladesh.

«Cette usine ne fabrique pas de vêtements pour H&M, aussi nous n'inspectons pas cette usine», a dit une porte-parole de H&M, Andrea Ross, par mail à l'AFP. Elle a reconnu que l'usine fournissait indirectement du tissu et du fil à H&M. Mais «nous n'avons pas de relation d'affaires directe avec l'usine concernée», a-t-elle dit.

Un responsable de Gap au Bangladesh, sous couvert d'anonymat, a fourni une réponse semblable.

Carrefour a également indiqué qu'il n'avait pas de relation directe avec l'usine mais que son fournisseur Aswad Composite Mills 2 s'approvisionnait en tissus auprès d'elle.

Le britannique Next a déclaré qu'une fois la cause de l'incendie connue, il reverrait ses procédures et la nécessité de contrôler plus avant la chaîne de ses fournisseurs.

Walmart a aussi confirmé que certains de ses fournisseurs utilisaient des tissus provenant de l'usine Aswad. Le groupe américain a précisé dans un communiqué que s'il effectuait des contrôles dans les usines de confection avec lesquelles il travaille, ses contrôles ne s'étendaient pas aux usines qui fabriquent les tissus utilisés par ses fournisseurs. Il a suggéré que ce soit le Bangladesh qui s'en charge.

«Etant donné la situation particulière de la sécurité au Bangladesh, nous pensons que le gouvernement et l'industrie du textile devraient réfléchir à étendre leurs programmes de sécurité à ce niveau de la production», a déclaré Walmart.

«Une nouvelle alerte rouge»

Selon des ouvriers, le feu semble avoir été déclenché mardi soir par un problème sur une machine à tricoter qui avait déjà pris feu à plusieurs reprises dans le passé.

L'un d'eux, Mohammad Saan, a expliqué que le feu s'était répandu de la machine au sol de l'usine avant de se propager à un hangar.

L'inspecteur en chef des usines au Bangladesh, Bashirur Rahman, a déclaré à l'AFP qu'il y avait «des problèmes de sécurité» à l'usine Aswad.

«Nos inspecteurs ont visité l'usine le 25 septembre et ont envoyé ce mois-ci une note à l'usine afin que les problèmes soient résolus», a-t-il dit, sans préciser leur nature.

Des responsables des pompiers ont déclaré que l'usine était suffisamment équipée en matériel anti-incendie.

Le bilan relativement peu élevé s'explique par le fait que la plupart des 3000 employés de l'usine avaient déjà quitté leur travail au moment du déclenchement de l'incendie, selon le responsable de la police.

En novembre 2012, l'incendie de l'usine Tazreen avait fait 110 morts.

La catastrophe la plus marquante a été l'effondrement en avril du Rana Plaza, immeuble de neuf étages d'ateliers de confection dans la banlieue de Dacca, qui a fait 1129 morts.

Le Bangladesh est le deuxième exportateur de vêtements au monde. Pilier de l'économie nationale, le secteur, avec ses 4.500 usines, représente 80% des exportations annuelles, s'élevant à 27 milliards de dollars.

Les conditions de travail et de sécurité y sont encore très en deçà des normes internationales et les incendies ne sont pas rares.

«Il est assez évident que les règles de sécurité n'ont pas été respectées» à l'usine Aswad, a estimé Kalpona Akter, directeur du Bangladesh Center for worker solidarity (BCWS) à l'AFP.

«Ce feu est une nouvelle alerte rouge pour les distributeurs occidentaux qui n'ont rien fait pour la sécurité de millions de travailleurs textiles au Bangladesh», a-t-il ajouté.