Des violences communautaires ont fait cinq morts parmi les musulmans de l'ouest de la Birmanie, déjà visés par de vastes émeutes meurtrières en 2012 qui s'étaient étendues à travers ce pays majoritairement bouddhiste pétri d'islamophobie latente.

«Le bilan est monté à cinq morts, quatre hommes et une femme. Ce sont tous des musulmans kamans», a indiqué mercredi à l'AFP un responsable de la police, alors que le président Thein Sein visitait pour la première fois l'État Rakhine.

Il est arrivé en fin de journée à Thandwe, d'où sont parties les violences.

Plus d'un an après des affrontements qui avaient fait plus de 200 morts et jeté une ombre au tableau des réformes du nouveau gouvernement, les nouveaux événements ont commencé il y a quelques jours à Thandwe, dans le sud de la région.

Une dispute banale entre un bouddhiste de la minorité Rakhine et un musulman de la minorité Kaman, deux groupes ethniques officiellement reconnus par le gouvernement, a servi de détonateur.

Et mardi, un groupe de centaines d'émeutiers bouddhistes ont brûlé des maisons dans un village à une vingtaine de kilomètres de Thandwe. La police avait dans un premier temps fait état de la mort d'une musulmane de 94 ans, poignardée, mais quatre autres musulmans ont également trouvé la mort.

Quatre Rakhines ont également été blessés et un porté disparu, a ajouté la police, précisant qu'une soixantaine de maisons et une mosquée avaient été incendiées depuis samedi.

Forces de l'ordre déployées

Le calme semblait revenu mercredi, selon des journalistes de l'AFP, mais policiers et soldats étaient déployés et la tension restait palpable.

«Nous vivons dans la peur. De nombreuses personnes, dont des femmes et des enfants, se cachent dans la forêt d'à côté», a déclaré Myint Aung, un responsable kaman du village, évoquant le même bilan de cinq morts.

Les forces de l'ordre, malgré des tirs d'avertissement, n'ont pas réussi mardi à contrôler la foule, a-t-il ajouté, déplorant que le gouvernement «ne soit pas capable d'assurer la sécurité».

Les États-Unis, «très inquiets» de ces événements qui auraient fait «des centaines de déplacés», ont de leur côté «condamné fermement de tels actes de violence».

«Nous appelons les autorités à répondre rapidement et de façon décisive à la violence pour aider à protéger tous les habitants de la région et leurs biens», a ajouté l'ambassade des États-Unis à Rangoun.

L'État Rakhine a été le théâtre en 2012 de deux vagues d'affrontements entre Rakhines bouddhistes et musulmans de la minorité apatride des Rohingyas, qui ont fait plus de 200 morts et 140 000 déplacés, en grande majorité des musulmans qui vivent toujours dans des camps.

Les émeutes, accompagnées de campagnes menées par des moines bouddhistes radicaux, se sont ensuite propagées à d'autres parties du pays, visant cette fois des musulmans de nationalité birmane, faisant des dizaines de morts depuis le début de l'année.

Ces événements ont mis en lumière une islamophobie latente dans un pays majoritairement bouddhiste qui compte environ 4 % de musulmans, et porté une ombre au tableau des réformes du gouvernement qui a succédé à la junte dissoute en mars 2011.

Le président Thein Sein, artisan de ces transformations spectaculaires, a commencé mardi une visite inéditedans l'État Rakhine axé sur les «violences intercommunautaires».

Il a notamment rencontré des représentants des deux communautés dans la capitale de l'État, Sittwe, quasiment vidée de ses habitants musulmans l'an dernier.

«Une telle instabilité basée sur la religion et la race retarde les réformes de l'État et ternit l'image» de la Birmanie sur la scène internationale, a noté Thein Sein mercredi dans un message aux responsables des différentes religions publié mercredi par le quotidien officiel New Light of Myanmar.

«Malheureusement, des instigations ont alimenté des conflits mineurs entre les deux communautés et les deux religions», a-t-il ajouté.

Des défenseurs des droits de l'homme ont accusé les forces de l'ordre d'inaction, voire de complicité, dans les violences ayant eu lieu depuis l'an dernier.

Human Rights Watch a même accusé la Birmanie d'avoir entrepris une «campagne de nettoyage ethnique» contre les Rohingyas, des accusations rejetées par le gouvernement.