Des centaines de milliers d'ouvriers du textile du Bangladesh ont déversé leur colère dans la rue lundi, bloquant des rues et mettant le feu à des usines faute d'obtenir un salaire minimum de 100 $ par mois, cinq mois après un dramatique accident industriel.

Jusqu'à 200 000 ouvriers ont manifesté lundi pour le troisième jour consécutif, selon Abdul Baten, chef de la police du district de Gazipur, près de la capitale Dacca, où plusieurs centaines d'usines textiles sont implantées.

Quelque 300 usines ont été fermées pour prévenir toute attaque de la part de manifestants, a précisé à l'AFP son adjoint, Mustafizur Rahman.

«La situation est très volatile. La police a tiré des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes pour disperser les ouvriers incontrôlables», a-t-il ajouté, précisant que plusieurs dizaines d'ouvriers et quelques policiers avaient été blessés.

Les manifestations contre les faibles salaires et les mauvaises conditions de travail ont secoué le secteur de l'habillement du Bangladesh depuis l'effondrement en avril du Rana Plaza, qui a tué plus de 1100 personnes.

Dans le faubourg de Savar, où l'immeuble s'est effondré, des ouvriers en colère ont mis le feu à au moins deux usines, a déclaré Reaz-Bin-Mahmood, vice-président de l'association des fabricants et exportateurs de vêtements du Bangladesh.

Des milliers d'ouvriers ont par ailleurs attaqué un centre de policiers réservistes à quelque 40 km au nord de Dacca, blessant trois policiers et brisant trois fusils, a dit un policier, Rafiqul Islam, à l'AFP.

Refus patronal

Dans la zone industrielle de Tejgaon, à Dacca, des heurts ont opposé des milliers d'ouvriers à la police devant le siège de l'association des fabricants de textile, selon la police.

Un dirigeant syndical, Shahidul Islam Sabuj, a prévenu que les manifestations pourraient se prolonger tant que les salaires ne sont pas augmentés.

«100 dollars c'est le minimum que nous demandons. Un ouvrier a besoin de bien plus pour pouvoir vivre décemment», a-t-il dit à l'AFP.

Des milliers d'entre eux, bâtons à la main, ont bloqué les routes reliant la capitale Dacca au nord et à l'ouest du pays, interrompant la circulation pendant plusieurs heures.

«Les prix de toutes les denrées principales ont augmenté, mais nos payes n'ont pas bougé depuis des années», a déclaré l'un des manifestants.

Le Bangladesh est le deuxième exportateur de vêtements au monde, fournissant notamment de grands noms tels que l'américain Walmart, le suédois H&M ou encore le français Carrefour. Pilier de l'économie, le secteur avec ses 4500 usines représente 80 % des exportations annuelles s'élevant à 27 milliards de dollars.

Mais la grande majorité des 3 millions de travailleurs ne gagnent qu'un salaire de base mensuel de 3000 takas (38 $ US) - soit un des plus bas au monde - à la suite à d'un accord tripartite entre les syndicats, le gouvernement et les fabricants signé en août 2010.

En juin, le gouvernement avait mis en place un groupe de travail spécial pour examiner les salaires et les syndicats ont demandé un salaire mensuel minium de 8114 takas (100 $ US).

Les propriétaires d'usine ont rejeté la demande, affirmant qu'ils pouvaient augmenter les salaires de seulement 20 % à 3600 takas, en raison de la conjoncture économique mondiale morose.