Le Pakistan a annoncé voir libéré samedi le mollah Abdul Ghani Baradar, ancien bras droit du chef des rebelles talibans afghans mollah Omar, à la demande de Kaboul qui espère le voir jouer un rôle décisif en faveur de la paix en Afghanistan

La libération du mollah Baradar, qui avait été arrêté au Pakistan début 2010, vise selon Islamabad, à «faciliter le processus de réconciliation afghan» pour mettre fin au conflit sanglant qui oppose depuis près de 12 ans le gouvernement afghan, soutenu par l'OTAN, aux talibans.

Le Pakistan avait annoncé vendredi qu'il serait remis en liberté le lendemain. «Oui, Baradar a été libéré», a confirmé samedi dans la matinée à l'AFP le porte-parole du ministère pakistanais de l'Intérieur, Omar Hamid, sans fournir plus d'informations.

«Le mollah Baradar a été libéré ce matin», a plus tard à son tour déclaré Aizaz Ahmad Chaudhry, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, dans un message écrit adressé à l'AFP, affirmant lui aussi ne pas avoir «d'autres détails».

Cette libération a en outre été confirmée officieusement à l'AFP par une source talibane.

Elle a aussitôt été saluée par le gouvernement afghan, qui cherche depuis des années à discuter avec des rebelles faute d'avoir pu les vaincre militairement, même avec l'aide de l'OTAN.

La remise en liberté d'Abdul Ghani Baradar, qui était vu en 2010 comme favorable à des discussions de paix, avait notamment été demandée au Pakistan par le président afghan Hamid Karzaï à l'occasion de sa visite à Islamabad fin août.

«Nous remercions le gouvernement du Pakistan d'avoir répondu positivement à la demande du gouvernement afghan. Nous sommes très heureux de cette libération», a déclaré à l'AFP Mohammad Ismail Qasimyar, membre du Haut conseil pour la paix (HCP) afghan, un organe gouvernemental créé par M. Karzaï pour négocier avec les talibans.

«Baradar a toujours été prêt à participer à des négociations de paix, et nous espérons qu'il va le faire bientôt», a affirmé M. Qasimyar.

Le Pakistan avait précisé cette semaine qu'il ne livrerait pas Baradar au gouvernement afghan. «C'est à lui de décider s'il veut vivre ici (au Pakistan, ndlr) ou dans un autre endroit de son choix», avait déclaré à l'AFP Sartaj Aziz, principal conseiller diplomatique du premier ministre pakistanais Nawaz Sharif.

Plusieurs destinations étrangères comme la Turquie, l'Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis ont été évoquées, mais selon des sources talibanes, il pourrait rester au Pakistan et circuler entre Karachi (sud), où vit une partie de sa famille, et d'autres régions.

Le mollah Baradar avait arrêté début 2010 à Karachi, la mégalopole du sud du Pakistan et l'une des bases arrière des talibans afghans, au cours d'une opération réalisée par la CIA (les services américains de renseignement)  et des agents pakistanais.

Après cette arrestation, Islamabad, allié de Washington, mais également historiquement proche des talibans afghans et d'autres groupes armés islamistes, avait été accusé de saboter les initiatives de paix en Afghanistan, un pays ravagé par plus de 30 ans de guerres.

Depuis 2012, le Pakistan, lui-même aux prises avec une rébellion talibane locale (pakistanaise, ndlr) chez lui, s'est dit prêt à favoriser un processus de paix en Afghanistan, et a commencé à libérer des talibans afghans qu'il avait arrêtés.

«Nous sommes optimistes» sur les conséquences positives de la libération de Baradar pour la paix en Afghanistan, a souligné Mohammad Ismail Qasimyar au nom du gouvernement afghan. Selon lui, Baradar «est toujours une personnalité influente et respectée par les talibans».

Mais nombre d'autres observateurs restent plus sceptiques sur la capacité du mollah Baradar, 34e taliban libéré par le Pakistan depuis l'année dernière, à débloquer un dialogue de paix afghan au point mort.

Pour Karim Pakzad, chercheur à l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) de Paris, Baradar n'a plus l'importance qu'on lui accordait au sein des talibans, «car son arrestation ne les a nullement affaiblis, au contraire», la rébellion ayant gagné du terrain ces dernières années.

«La libération de Baradar ne va rien changer. Il fera peut-être faire passer des messages, mais ne sera pas en mesure de regagner son influence au sein de la direction des talibans. Car la politique des talibans ne dépend pas d'un ou deux individus, c'est un jeu bien plus complexe», a expliqué à l'AFP une source interne à la rébellion afghane.

Les libérations de talibans afghans n'ont jusqu'ici eu aucun effet positif pour la paix. Plusieurs seraient même retournés depuis au combat contre Kaboul et l'OTAN.

Celle d'Abdul Ghani Baradar intervient quelques mois avant une année 2014 chargée et à risques en Afghanistan, où l'emprise du fragile gouvernement pro-occidental reste faible hors des grandes villes, avec une élection présidentielle prévue pour avril et, au 31 décembre, le retrait de la majorité des soldats de l'OTAN.