Le premier ministre cambodgien, Hun Sen, et son rival politique de longue date, Sam Rainsy, se sont mis lundi à la table des négociations de sortie de crise, au lendemain d'une émeute qui a fait un mort et plusieurs blessés en marge d'une manifestation d'opposition.

Les deux hommes, qui se disputent la victoire aux législatives de juillet, se sont retrouvés à l'Assemblée nationale pour une réunion de plusieurs heures, à l'issue de laquelle quelques avancées symboliques ont émergé.

Dans une déclaration commune, ils évoquent trois points de convergence: respecter l'appel à la non-violence lancé par le roi, poursuivre les négociations pour résoudre la crise actuelle et procéder, dans un avenir plus lointain, à une réforme électorale.

Ces avancées ont été accueillies aux cris de «nous avons gagné» par les plus de 8000 manifestants rassemblés lundi dans un parc de Phnom Penh, même si la revendication centrale de l'opposition d'une enquête indépendante sur les fraudes reste un point d'achoppement.

Après avoir réuni 20 000 personnes dimanche, Sam Rainsy --rentré d'exil cet été, mais qui n'a pas été autorisé à se présenter aux législatives-- n'entend pas relâcher la pression.

«Nous ne participerons jamais au Parlement tant que la justice ne sera pas rendue envers les électeurs», a-t-il déclaré devant ses partisans réunis dans le parc.

Le Cambodge est en pleine crise politique, sur fond d'accusations de fraudes en faveur du parti de l'inamovible Hun Sen, au pouvoir depuis près de 30 ans.

Au lendemain des violents heurts de dimanche soir, les accusations contre les forces de l'ordre se sont multipliées, concernant des tirs. Celles-ci démentent tout tir à balles réelles sur un groupe qui, en marge de la manifestation, leur a lancé des pierres.

L'opposition accuse la police d'avoir tiré

Le parti de Sam Rainsy (CNRP) a dénoncé lundi «la cruelle violence des policiers, qui ont tiré sur les gens et les ont battus», «faisant un mort et de nombreux blessés». Le parti évoque également de nombreuses interpellations.

La police n'a pas confirmé lundi ce bilan.

Mais le roi Norodom Sihamoni a parlé dans un communiqué «de nombreux blessés et d'un mort» lors de «graves heurts entre manifestants et représentants des autorités».

Mettant en garde contre «le grave danger qui guette la Nation tout entière», le roi a appelé les deux parties, «manifestants comme autorités, à mettre fin aux violences», que ce soit par «jet de pierres ou l'usage d'armes».

Plusieurs témoins ont évoqué des blessés par balles lors de cet affrontement survenu dans la soirée de dimanche, à quelques kilomètres du parc où avait eu lieu la manifestation principale.

Lundi, les forces de l'ordre étaient toujours très présentes dans Phnom Penh, bloquant plusieurs voies stratégiques comme celles menant au siège du gouvernement ou à la résidence du premier ministre.

L'opposition continue à réclamer, comme elle le fait depuis des semaines, une enquête indépendante sur les irrégularités ayant entaché le vote.

Mais Hun Sen, accusé de réduire ses opposants au silence, a assuré qu'il resterait premier ministre et formerait un nouveau gouvernement même si l'opposition boycottait le nouveau Parlement lundi prochain.

Selon les résultats définitifs, le CPP de Hun Sen conserve sa majorité au Parlement avec 68 sièges contre 55 au CNRP de Sam Rainsy.

Ce dernier a semblé souffler le chaud et le froid lors de ces semaines de protestation qui tirent en longueur depuis fin juillet.

Mais à une semaine de la session inaugurale du nouveau Parlement, le temps presse pour annoncer sa stratégie.

Après avoir fait ses études en France où il avait commencé sa carrière dans la banque, il était revenu au Cambodge en 1992, avant de devenir ministre des Finances l'année suivante.

Né dans la haute société cambodgienne, ce démocrate autoproclamé, un des hommes politiques les plus controversés du royaume, est à couteaux tirés avec Hun Sen depuis des années.

Il l'avait notamment accusé d'une attaque à la grenade meurtrière lors d'une de ses réunions en 1997, des accusations qui lui avaient valu une condamnation pour diffamation.