Les quatre hommes accusés du viol collectif, dans un bus, d'une étudiante à New Delhi, un crime qui avait indigné l'Inde en décembre et choqué la communauté internationale, ont été condamnés à mort vendredi, une décision exceptionnelle accueillie par des applaudissements.

Le père de la jeune femme, morte de ses blessures, s'est dit «heureux» de cette condamnation, estimant devant les journalistes que «la justice a été rendue».

Ce crime avait suscité la réprobation et les protestations d'une grande partie de la population l'an dernier, poussant les autorités à durcir la législation et à promettre de mieux protéger les femmes des agressions sexuelles.

Le juge qui présidait l'audience a estimé que cette affaire relevait de la catégorie des crimes rares, définie par la Cour suprême indienne, justifiant la peine de mort.

«En cette période où les crimes contre les femmes augmentent, le tribunal ne peut fermer les yeux sur un acte aussi effroyable», a dit le juge Yogesh Khanna.

Des applaudissements ont retenti dans le palais de justice à l'annonce du verdict.

L'un des accusés, Vinay Sharma, s'est effondré en larmes à l'annonce de sa condamnation. «M. le juge, ayez pitié», a-t-il crié.

La police anti-émeutes avait pris place en nombre dans le palais.

Les exécutions sont exceptionnelles en Inde. En 2004, un homme avait été pendu pour le viol et le meurtre d'une adolescente de 14 ans.

La scène d'horreur vécue le 16 décembre par l'étudiante en kinésithérapie de 23 ans et son compagnon a révulsé la société indienne.

La jeune femme sortait d'une séance de cinéma avec son ami ce soir de décembre et les deux jeunes gens ont décidé de monter dans un bus privé, faute de pouvoir trouver un taxi. Le couple a été alors pris au piège derrière les rideaux tirés du bus. Le jeune homme a été battu et dépouillé de ses affaires et la jeune femme, violée et agressée avec une barre d'acier rouillée.

Les agresseurs ont ensuite jeté les corps des deux jeunes gens, insconscients, sur une route menant à l'aéroport puis tenté de les écraser en faisant marche arrière. Deux heures se sont écoulées avant que les deux victimes ne soient trouvées gisant sur la route par un passant qui a appelé les secours.

Transportée dans un état grave, l'étudiante est décédée de ses blessures le 29 décembre dans un hôpital de Singapour.

«Pression politique»

Des milliers d'Indiens révoltés avaient manifesté après ce viol, appelant à une prise de conscience de la façon dont les femmes sont traitées en Inde, et dénonçant l'apathie de la police et de la justice à l'égard des victimes d'agressions sexuelles.

Le procureur Dayan Krishnan avait réclamé la peine de mort pour les accusés mercredi, estimant qu'il s'agissait de la seule «peine appropriée» pour ce crime qualifié de «diabolique».

De son côté, la défense avait demandé au tribunal mercredi de résister à la «pression politique».

«C'est une injustice ! Ce n'est pas normal», a réagi l'un des avocats après le verdict, A.P. Singh.

Les quatre accusés - Akshay Thakur, Pawan Gupta, Vinay Sharma, Mukesh Singh - sont originaires de zones rurales pauvres et habitaient un bidonville du sud de la capitale indienne et vivaient de petits boulots.

Leurs avocats ont déjà annoncé qu'ils feraient appel du verdict, une décision susceptible de repousser de plusieurs années l'épilogue judiciaire de cette affaire.

Amnistie Internationale a estimé que cette condamnation à mort ne résoudrait rien.

«Envoyer ces quatre hommes à l'échafaud ne constitue qu'une vengeance à court terme. Rien ne prouve que la peine de mort dissuade de commettre un crime et son recours n'éradiquera pas la violence contre les femmes en Inde», a réagi Tara Rao, responsable d'Amnistie en Inde.

Après ce viol et l'émotion populaire qu'il a déclenchée, les lois contre les délinquants sexuels ont été durcies en mars et la peine de mort introduite pour les violeurs dont les victimes sont décédées.

Un cinquième accusé âgé de 17 ans au moment des faits a été condamné fin août à trois ans de prison.

Un sixième, le chauffeur du bus présenté comme le meneur, a été retrouvé mort dans sa cellule en mars, un décès attribué à un suicide par les autorités pénitentiaires.