Le procès du dirigeant déchu Bo Xilai, qui a tenu en haleine la Chine depuis cinq jours, s'est achevé lundi sur un réquisitoire demandant une peine sévère pour les faits «extrêmement graves» reprochés à l'accusé, qui les a farouchement réfutés.

Les infractions imputées à l'ex-haut responsable - corruption, détournement de fonds publics et abus de pouvoir pour entraver une enquête criminelle visant son épouse - sont «constituées» et «extrêmement graves», a déclaré le procureur.

Le jugement a été mis en délibéré à une date non précisée, a indiqué le tribunal de Jinan (est) où était jugé l'ancien membre du puissant Bureau politique du Comité central du Parti communiste chinois, qui avait remis à l'honneur une «culture rouge» néo-maoïste dans son fief de Chongqing, immense métropole du sud-ouest du pays.

«Il plaide non coupable (...) et aucune circonstance atténuante ne permet d'envisager pour lui une peine allégée», a poursuivi le procureur, selon une retranscription des débats diffusée par la cour.

De l'avis des experts, Bo Xilai, 64 ans, qui encourt la peine capitale, devrait être condamné à une longue réclusion déjà décidée par la direction communiste.

La brutale disgrâce l'an dernier du charismatique leader, un personnage flamboyant promis aux plus hautes fonctions dans la deuxième puissance mondiale, avait créé une onde de choc dans l'appareil communiste et le pays.

Malgré l'apparente et inhabituelle transparence des débats contradictoires, les autorités ont soigneusement contrôlé les informations communiquées à l'extérieur du tribunal.

Ainsi, la transcription lundi des propos du procureur, diffusée une première fois sur le microblogue du tribunal, a été supprimée quelques minutes plus tard.

La version modifiée a fait disparaître un paragraphe évoquant des affirmations de Bo dans lesquelles il mettait en cause les autorités centrales.

Durant cinq jours d'audience, l'intérêt des Chinois est allé croissant pour ce procès qui a jeté une lumière crue sur les moeurs d'une nomenklatura communiste jouissant de luxueuses résidences, de voyages en jets privés ou de safaris en Afrique.

Ce procès «a davantage de portée mélodramatique que toutes les séries télévisées que j'ai pu regarder», a souligné un internaute.

La journée de lundi a livré un nouveau lot de révélations croustillantes, Bo relatant par le menu la passion dévorante pour son épouse Gu Kailai de son ex-chef policier Wang Lijun.

Ce serait même cet amour impossible qui aurait poussé Wang à se réfugier en février 2012 dans un consulat américain, d'où il a déclenché le plus retentissant scandale en Chine depuis des décennies, a affirmé Bo Xilai.

«Il était secrètement amoureux de (ma femme) Gu Kailai, il en était confus et bouleversé», a déclaré l'ancien chef du Parti communiste de Chongqing, où Wang le secondait à la tête du bureau de la sécurité publique.

Depuis son début jeudi, le procès de Bo a pris nombre de virages inattendus, mais ce dernier est sans doute l'un des plus spectaculaires.

La relation entre Gu Kalai et Wang Lijun tenait du «psychodrame», a également commenté Bo Xilai. Vendredi, Bo Xilai avait taxé Gu Kailai de «folle» et de «menteuse», avant d'admettre samedi des liaisons extraconjugales.

Bo a enfin réaffirmé n'avoir jamais accepté que le magnat des affaires Xu Ming prenne en charge nombre des dépenses personnelles de sa famille.

«Au cours des 30 dernières années, je n'étais rien d'autre qu'une machine à travailler. Si j'avais dû m'occuper de billets d'avions, de notes d'hôtel ou de remboursements de voyages, comment aurais-je trouvé le temps (de remplir mes fonctions)?», a-t-il plaidé.

Désireux de contrer ceux qui l'accusent d'avoir profité de pots-de-vin pour mener une vie dorée, le dirigeant a tenté de convaincre de ses goûts simples en matière de garde-robe : «Je n'attache aucune importance à mon apparence vestimentaire. Les caleçons longs que je porte actuellement m'ont été offerts par ma mère dans les années 1960».

Tous ces détails intimes ont fait les délices de millions d'internautes chinois : «En écoutant la défense de Bo, le juge a dû sortir de sous la table le pop-corn et le Coca-cola» comme dans une salle de cinéma, a raillé l'un d'eux.

Bo Xilai a démenti de bout en bout avoir reçu l'équivalent de 3,76 millions de dollars en pots-de-vin, incluant une villa à Cannes (sud de la France).

Il a en revanche admis des «erreurs» dans un détournement de cinq millions de yuans (861 000 $) de fonds publics au profit de Gu Kailai ainsi que dans la gestion des suites de l'assassinat par son épouse de l'homme d'affaires britannique Neil Heywood, qui avait précipité sa chute début 2012.

En Chine, «la plupart des accusés plaident coupables (...) en partie en raison de la tradition judiciaire chinoise consistant à "traiter avec indulgence ceux qui confessent leurs fautes, et avec sévérité ceux qui s'obstinent à nier"», a commenté Margaret Lewis, professeur à la faculté de droit de Seton Hall (Etats-Unis).