Deux ministres nippons se sont rendus au sanctuaire Yasukuni considéré par les voisins du Japon comme le symbole de son passé militariste, jeudi pour l'anniversaire de la capitulation du pays en 1945.

Yoshitaka Shindo, ministre des Affaires intérieures et des communications du gouvernement de droite de Shinzo Abe, a prié dans ce lieu de culte shintoïste controversé, 68 ans après la défaite japonaise à la Seconde guerre mondiale, a constaté un journaliste de l'AFP vers 08h00 locales.

Un autre ministre, Keiji Furuya, président de la commission nationale de sécurité publique, l'a suivi quelques minutes plus tard. «La consolation des âmes des victimes de guerre est une affaire purement nationale. Les autres pays ne doivent pas critiquer ou faire interférence», a-t-il déclaré à la presse.

Le lieu de culte était protégé par des centaines de policiers, et des militants d'extrême droite étaient postés à l'intérieur avec des drapeaux appelant la population à rendre hommage.

Le Premier ministre Abe ne s'est pas rendu au Yasukuni ce jeudi afin de ne pas envenimer davantage les relations avec ses voisins, particulièrement la Chine avec laquelle la tension est montée depuis l'an passé à cause d'un conflit territorial.

Le chef du gouvernement a néanmoins fait déposer une offrande par l'un de ses collaborateurs, qui a apporté de l'argent pour faire don d'une branche d'un arbre sacré. M. Abe «offre ses sincères condoléances aux âmes de nos ancêtres et s'excuse de ne pas venir au sanctuaire», a déclaré cet assistant à l'agence Jiji.

D'après la presse, ni le Premier ministre adjoint, Taro Aso, ni le ministre des Affaires étrangères, Fumio Kishida, ne devraient non plus se rendre sur place, mais la Chine et la Corée du Sud pourraient quand même faire part de leur agacement.

Situé au coeur de Tokyo, le sanctuaire Yasukuni rend hommage aux quelque 2,5 millions de soldats tombés pour le Japon lors des guerres modernes. Sa réputation sulfureuse vient de l'ajout des noms de 14 criminels de guerre, condamnés par les Alliés après le Deuxième conflit mondial, noms qui ont été inscrits en 1978 en plus des autres âmes honorées.

Parmi ceux-ci figure celui du général Hideki Tojo, Premier ministre du Japon lors de l'attaque sur Pearl Harbor le 7 décembre 1941 qui précipita l'entrée en guerre des États-Unis.

M. Abe avait déclaré par avance qu'il n'empêcherait pas à ses ministres de se rendre au sanctuaire. «Il est naturel pour un dirigeant japonais de prier pour ceux qui ont sacrifié leur vie pour leur pays, à l'instar de ce que font les dirigeants des autres pays du monde», avait-il expliqué.

Depuis son retour au pouvoir en décembre après un premier passage raté à la primature (2006-2007), M. Abe a fait augmenter le budget militaire du Japon et a prévenu qu'il voulait amender la constitution pacifiste imposée au pays par l'occupant américain après la capitulation nippone de 1945, ce qui suscite des craintes dans la région.

Les relations du Japon avec ses voisins restent marquées par le souvenir des atrocités commises par les troupes impériales pendant la colonisation de la péninsule coréenne (1910-1945) et lors de l'occupation partielle de la Chine (1931-1945).

L'anniversaire de la capitulation nippone intervient cette année dans un contexte sino-japonais particulièrement tendu depuis que le Japon a nationalisé, en septembre dernier, une partie des îles Senkaku en mer de Chine orientale.

Ces îlots inhabités administrés par Tokyo sont revendiqués par Pékin sous le nom de Diaoyu. Des navires gouvernementaux chinois croisent régulièrement dans la zone, non loin de ceux des garde-côtes japonais, ce qui fait craindre aux observateurs un éventuel incident armé entre les deux puissances asiatiques.

En début de semaine, le 35e anniversaire de la normalisation des relations diplomatiques sino-japonaises n'a donné lieu à aucune cérémonie marquante.