La première ministre thaïlandaise Yingluck Shinawatra s'est inquiétée samedi de risques de débordements lors de manifestations anti-gouvernement qui doivent commencer dimanche à Bangkok, théâtre ces dernières années de nombreuses manifestations violentes.

L'Armée du Peuple, qui rassemble divers groupes ultra-royalistes, a appelé à manifester à partir de dimanche contre une loi d'amnistie qui sera examinée mercredi par le parlement.

Le texte présenté par le parti au pouvoir prévoit d'amnistier les militants politiques impliqués dans les mouvements parfois violents qui ont secoué le royaume depuis le coup d'État contre l'ex-premier ministre Thaksin Shinawatra en septembre 2006, jusqu'en mai 2012.

Si le projet exclut a priori les dirigeants des divers mouvements, ses opposants craignent qu'elle ne permette le retour de leur ennemi juré, Thaksin, en exil pour échapper à deux ans de prison pour malversations financières.

«En tant que première ministre et citoyenne thaïlandaise, je m'inquiète que les manifestations conduisent à des violences», a déclaré samedi à la télévision Yingluck, soeur de Thaksin.

En appelant à ses opposants et aux groupes pro-gouvernement, notamment les «chemises rouges» fidèles à son frère, elle a plaidé pour des discussions pour apaiser les tensions.

«Même s'il n'y a que 1% de chance de succès, je veux que ce conflit prenne fin pendant cette génération».

Le royaume est profondément divisé entre les masses rurales et urbaines défavorisées du nord et du nord-est, fidèles à Thaksin, et les élites de Bangkok gravitant autour du palais royal, qui le haïssent.

En prévision des manifestations, le gouvernement a imposé dans trois districts du centre historique de Bangkok la Loi de sécurité intérieure (ISA), qui permet notamment l'instauration d'un couvre-feu, la fouille de bâtiments et la censure des médias.

Plus de 1600 policiers étaient déjà déployés samedi autour des bâtiments gouvernementaux, et des milliers d'autres en alerte.

«Notre but est de renverser le régime Thaksin», a déclaré le porte-parole de l'Armée du peuple Thaikorn Polsuwan, promettant un mouvement «pacifique».

Le rassemblement doit commencer dimanche en dehors de la zone couverte par l'ISA, près d'un grand parc de la ville où les organisateurs installaient déjà des tentes samedi.

«Les manifestants vont arriver petit à petit et devraient atteindre 4000 à 5000» d'ici dimanche, a indiqué le général de la police Piya Uthayo.

La Thaïlande vit depuis des années au rythme d'immenses mouvements de rues, dont plusieurs sont parvenus à faire chuter des gouvernements.

En 2010, les «chemises rouges» avaient occupé Bangkok pendant deux mois pour réclamer la chute du gouvernement de l'époque, jusqu'à un assaut de l'armée. La crise, la pire qu'ait connue la Thaïlande moderne, avait fait quelque 90 morts et 2000 blessés.

L'an dernier, le camp Thaksin avait déjà tenté de présenter une loi d'amnistie au parlement, avant de la reporter pour éviter une crise politique.