Le premier ministre japonais de droite Shinzo Abe ne se rendra pas le 15 août, jour anniversaire de la capitulation du Japon, au sanctuaire controversé de Yasukuni, a annoncé jeudi l'agence de presse Kyodo.

L'agence cite une «source gouvernementale» qu'elle n'a pas identifiée pour faire état de cette décision alors qu'à l'approche de cette date anniversaire, la question taraude les milieux politiques nippons: ira, ira pas ?

Jeudi, deux hauts fonctionnaires japonais ont clairement laissé entendre à l'AFP, sous couvert de l'anonymat, que le premier ministre, généralement classé parmi les «faucons» nationalistes, ne se rendrait pas au sanctuaire.

La réputation sulfureuse du sanctuaire shintoïste de Yasukuni, au coeur de Tokyo, tient au fait que les noms de 14 criminels de guerre, condamnés par les Alliés après la Seconde guerre mondiale, y ont été secrètement ajoutés en 1978 à ceux des soldats tombés pour le Japon.

À chaque fois que des hommes politiques et responsables japonais s'y rendent en pèlerinage, la Chine et la Corée du sud dénoncent avec virulence ces visites dans ce lieu qui, à leurs yeux, est le symbole du passé militariste japonais.

Elles ont ainsi vertement critiqué la visite au sanctuaire d'environ 170 parlementaires en avril dernier.

Ces visites «sont (...) des tentatives de nier le passé d'agression du Japon», avait déclaré une porte-parole de la diplomatie chinoise. Séoul avait convoqué l'ambassadeur nippon pour protester et rappeler «l'immense souffrance» que le Japon a causée aux territoires qu'il a colonisés au 20e siècle, dont la péninsule coréenne.

Shinzo Abe s'était abstenu de toute visite en avril mais y avait fait consacrer un objet en bois utilisé pour des rituels, appelé Masakaki, d'après un responsable du sanctuaire.

Il s'y était en revanche rendu en octobre dernier alors qu'il était encore chef de l'opposition, avant son retour à la tête du gouvernement fin décembre.

«La décision (de M. Abe) peut être interprétée comme faisant partie des efforts de Tokyo pour éviter des tensions supplémentaires avec les pays voisins, essentiellement la Chine et la Corée du Sud, qui ont souffert de l'agression japonaise en Asie» durant la dernière guerre, commente l'agence Kyodo.

De fait les relations entre Tokyo et Pékin ainsi que Séoul sont toujours empoisonnées par des contentieux historiques liés à la dernière guerre, auxquels viennent s'ajouter des différends territoriaux maritimes.

Le sanctuaire ne date pas de la dernière guerre mondiale qui s'était achevée avec la capitulation du Japon impérial le 15 août 1945: il avait été édifié en 1869 pour rendre hommage à tous ceux qui ont donné leur vie pour le pays.

Mais la présence des noms des 14 criminels de guerre, parmi lesquels le général Hideki Tojo, responsable comme premier ministre de l'attaque sur Pearl Harbor le 7 décembre 1941 qui jeta les États-Unis dans la guerre, en ont fait un lieu honni pour les responsables chinois et coréens.