L'opposition cambodgienne a contesté lundi la proclamation par le parti au pouvoir de sa victoire aux législatives, réclamant une enquête sur les fraudes qui ont, selon elle, entaché le scrutin au profit du premier ministre Hun Sen.

Au terme d'une consultation décrite par des organisations locales et internationales comme injuste, l'opposition, unie comme jamais et créditée d'un bien meilleur score qu'il y a cinq ans, a décidé de poursuivre le combat.

«Nous n'acceptons pas les résultats (...). Il y a eu trop d'irrégularités aux conséquences bien trop importantes», a affirmé Sam Rainsy, leader du Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP).

Le parti a exigé l'établissement d'un comité chargé d'enquêter sur ces irrégularités, demandant qu'il soit composé de membres de la majorité et de l'opposition, de la Commission électorale nationale (NEC) ainsi que de représentants de l'ONU et des organisations de la société civile.

Le comité s'est vu prier de rendre ses conclusions «pas plus tard que le 31 août».

Dimanche, le Parti du peuple cambodgien (CPP), entièrement dévolu à l'homme fort du pays qui n'a pas quitté son poste depuis 1985, a annoncé qu'il conservait sa majorité au Parlement, revendiquant 68 sièges contre 55 à ses adversaires lors de ce scrutin qui a vu une participation de 69,5%.

Peu auparavant, l'opposition avait proclamé sa victoire, puis s'était piteusement rétractée.

«Nous n'essayons pas de négocier une place dans le gouvernement (...). Ce qui nous intéresse, c'est de rendre la justice au peuple cambodgien pour assurer que sa volonté ne soit pas déformée comme auparavant», a assuré Rainsy, récemment rentré d'exil.

Il a évoqué le chiffre de 1,25 million de noms rayés des listes, 1 million de faux noms et 200 000 noms dupliqués dans plusieurs listes.

L'ancien banquier, 64 ans, vivait en France depuis 2009 pour échapper à des condamnations à un total de onze ans de prison que ses partisans jugent politiques. Il avait été gracié par le roi le 12 juillet à la demande de Hun Sen.

Lors de son retour à Phnom Penh, il avait mis cinq heures pour effectuer à travers la foule les quelques kilomètres séparant l'aéroport d'un parc de la capitale où il s'était adressé à ses partisans, promettant d'écrire «une nouvelle page pour le Cambodge».

Sa présence, indiscutablement, a galvanisé ses partisans.

Car s'ils étaient officiellement validés et acceptés, les chiffres constitueraient un score très honorable pour l'opposition. En 2008, Hun Sen et ses partisans avaient en effet obtenu 90 des 123 sièges. Ils en perdraient donc plus de 20.

Plusieurs organisations étrangères ont dénoncé sans détour les conditions de l'élection.

«Ce à quoi nous avons assisté est véritablement un niveau sans précédent de machinations et de malversations dans le processus électoral», a expliqué Phil Robertson, directeur adjoint pour l'Asie de Human Rights Watch. «La Commission électorale nationale devrait franchement avoir honte d'elle-même».

Sourd aux critiques, le porte-parole du CPP Khieu Kanharith a jugé qu'il était «trop tôt pour commenter» l'hypothèse d'un partage du pouvoir, et indiqué que son parti suivrait la décision de la NEC. Celle-ci a pour l'heure nié toute irrégularité et estimé que la création du comité réclamé par l'opposition n'était pas de son ressort.

À 60 ans, Hun Sen est l'un des plus anciens dirigeants d'Asie. Symbole de la stabilité et de la paix pour beaucoup de Cambodgiens, il a présidé à la transformation d'un pays émergeant de décennies de guerre civile et devenu l'une des économies les plus dynamiques de la région.

Mais il a du mal à contenir un fort mécontentement social et une colère croissante face à l'impunité des forces de l'ordre et à la confiscation des terres au profit d'entreprises étrangères et des élites.