L'ancien président pakistanais Pervez Musharraf, actuellement en résidence surveillée, sera jugé pour haute trahison pour avoir violé la Constitution plusieurs fois lorsqu'il était au pouvoir, a annoncé lundi le premier ministre Nawaz Sharif, qui avait été renversé par M. Musharraf en 1999.

La perspective d'un tel procès historique - jamais un ancien chef de l'armée pakistanaise n'a été jugé jusqu'ici - pourrait tendre les rapports entre M. Sharif, revenu au pouvoir après les élections générales de mai dernier, et les militaires, toujours très puissants dans le pays.

Le général Musharraf, qui fut poussé vers la sortie en 2008 notamment sous la pression des juges, avait été arrêté le 19 avril, quelques semaines après son retour de plus de quatre ans d'exil entre Londres et Dubai.

La justice lui reproche notamment d'avoir violé la Constitution en renvoyant illégalement des juges qui contestaient son pouvoir en 2007, et d'être impliqué dans les meurtres de l'ancien premier ministre Benazir Bhutto en décembre 2007, et d'Akbar Bugti, chef de la rébellion indépendantiste du Baloutchistan (sud-ouest), en août 2006.

Lundi, Nawaz Sharif a affiché sa détermination à voir celui qui l'avait renversé sans effusion de sang en 1999 répondre devant la justice des violations de la constitution dont il est accusé sous son règne, de son coup d'État au renvoi illégal de juges.

«Violer la Constitution est un acte de haute trahison. Le gouvernement fédéral estime que quiconque se rend coupable d'une telle violation doit être traduit en justice», a déclaré M. Sharif devant le Parlement.

«M. Musharraf a violé la Constitution par deux fois. Il a renversé un gouvernement élu en 1999, menaçant l'ensemble de l'édifice. Et il a renvoyé et emprisonné des juges (...) Il  devra répondre de sa culpabilité devant un tribunal. Nous suivrons la procédure judiciaire et toutes les forces politiques en seront informées», a-t-il souligné.

Le premier ministre a évoqué le cas de M. Musharraf avec le procureur général, qui a été dans le même sens que lui et préconisé un procès en s'exprimant lundi devant la Cour suprême. Au Pakistan, seul l'État peut engager un procès pour haute trahison.

Mais un tel processus, s'il va au bout, prendra au minimum plusieurs semaines, voire des mois en raison des diverses étapes judiciaires nécessaires et des lenteurs du système, sans compter le côté sensible du dossier.

Bien que formellement arrêté à la mi-avril, M. Musharraf n'a pas été mis en prison, mais placé en résidence surveillée dans sa luxueuse ferme des environs d'Islamabad, un égard vu comme une concession de la justice à la puissante armée qui, selon certaines sources, refusait de voir un de ses anciens chefs mis pour la première fois en prison.

Depuis, M. Musharraf ne pouvait quitter le pays, mais ses partisans espéraient pouvoir lui rendre sa liberté de mouvement en obtenant une libération sous caution. Ces dernières semaines, des rumeurs avaient fait état d'un possible arrangement politicojudiciaire qui pourrait permettre à M. Musharraf de retourner librement en exil.

Le gouvernement de transition au pouvoir pendant les semaines qui ont précédé les élections du 11 mai avait refusé de faire traduire l'ancien président devant la justice, estimant que cela outrepassait son mandat.

Depuis son indépendance en 1947, le Pakistan connu trois coups d'État militaires et a vécu plus de la moitié de son existence sous la férule militaire.