Le chef de l'enquête officielle sur les causes de l'effondrement d'un immeuble d'ateliers textiles, qui a fait 1127 morts le mois dernier au Bangladesh, a accusé mercredi le propriétaire du bâtiment d'être le «principal responsable» du drame pour n'avoir pas respecté la réglementation.

Le propriétaire, Sohel Rana, âgé d'une trentaine d'années, «est le principal coupable et à cause de lui 1127 personnes sont mortes», a affirmé Uddin Khandaker, le chef de la commission d'enquête nommée par le gouvernement sur la tragédie du Rana Plaza le 24 avril dernier.

«Il a fait fortune avec de l'argent gagné au noir et n'a pas respecté les réglementations et les lois en matière de construction», a-t-il dit. «Il est le sous-produit de nos hommes politiques corrompus et représente la partie décadente de notre société.»

Selon Khandaker, la commission d'enquête a demandé au gouvernement de poursuivre en justice le propriétaire, membre du parti au pouvoir Awami League, «pour homicide volontaire», crime passible d'une peine maximum de prison à vie.

«Il n'a pas respecté les codes de construction, a utilisé des matériaux de mauvaise qualité et n'a pas tenu compte de certaines règles spéciales» pour la construction de l'immeuble, a précisé l'enquêteur à la presse avant de remettre son rapport de 400 pages au gouvernement.

Ce document arrive quelques jours avant la visite d'une délégation du gouvernement américain dimanche au Bangladesh pour plaider en faveur d'une profonde révision de la sécurité des 4500 usines textiles du pays.

Selon les enquêteurs, Rana a converti de son propre chef les plans de l'immeuble initialement prévu pour six étages incluant un centre commercial et d'autres espaces de commerce, en un complexe industriel de neuf étages où travaillaient plus de 3000 employés.

La commission d'enquête, qui compte également des responsables de la police et des pompiers, a par ailleurs demandé que les propriétaires des cinq usines textiles qui se trouvaient dans l'immeuble soient eux aussi poursuivis pour homicide volontaire. Quatre d'entre eux ont été arrêtés.

Khandaker a précisé que Rana et les propriétaires des usines de l'immeuble avaient forcé les employés à venir travailler le 24 avril malgré les fissures apparues sur les murs la veille.

«Ils ont menacé les employés de les licencier et de réduire leurs salaires s'ils refusaient de se rendre à leur travail», a-t-il indiqué à l'AFP. Ils ont également utilisé des générateurs dans les étages supérieurs malgré un règlement intérieur qui en interdisait l'usage. L'utilisation de ces générateurs combinée au fonctionnement des machines industrielles a provoqué l'effondrement.

La police a arrêté 12 personnes, dont trois ingénieurs, dans l'enquête sur cette catastrophe.

La délégation américaine, menée par la sous-secrétaire d'État aux affaires politiques, Wendy Sherman, devrait rencontrer des membres du gouvernement pour parler notamment des normes de sécurité en cas d'incendie.

Les sociétés américaines sont parmi les plus importants clients de l'industrie textile du Bangladesh qui emploie trois millions de personnes souvent pour des salaires de misère de 38 dollars par mois.

Ces conditions de travail et les accidents mortels qui se sont répétés ont conduit à une série de manifestations dans les principaux centres de production textile qui ont empêché les livraisons, forçant certains distributeurs à passer par d'autres pays.