Le Bangladesh a annoncé mercredi pour la première fois la fermeture d'usines textiles pour des raisons de sécurité, deux semaines après l'effondrement d'un immeuble abritant des ateliers de confection, un drame dont le bilan encore provisoire dépasse les 800 morts.

«Seize usines ont été fermées à Dacca et deux à Chittagong», la deuxième ville du pays, a annoncé à la presse le ministre du Textile, Abdul Latif Siddique, précisant que de nouvelles usines cesseraient leur activité dans le cadre du renforcement des mesures de sécurité.

Il s'agit des premières fermetures décidées par les autorités depuis le drame du 24 avril, le plus meurtrier de l'histoire industrielle du pays. Le Rana Plaza, un immeuble de neuf étages, s'est effondré près de Dacca après que des ouvriers avaient signalé la veille des fissures sur le bâtiment.

«Nous avons constaté que ceux qui prétendent avoir les usines les plus aux normes au Bangladesh n'ont pas totalement respecté les règles de construction», a ajouté le ministre.

Craignant que les marques occidentales ne se détournent de leurs fournisseurs bangladais, le gouvernement a annoncé lundi la mise en place d'une nouvelle commission d'enquête devant inspecter les quelque 4.500 usines textiles à la recherche d'éventuels défauts de construction.

Le ministre du Textile a été nommé à la tête de cette commission.

Plus de 3000 ouvriers travaillant pour des marques occidentales d'habillement, telles que le britannique Primark (Associated British Foods) et l'espagnol Mango, étaient à leur poste lorsque le Rana Plaza, situé à une trentaine de kilomètres de Dacca, s'est effondré comme un château de cartes.

Un groupe d'experts de l'ONU a exhorté mercredi les grandes marques internationales de vêtements à ne pas se retirer du Bangladesh mais à travailler de concert avec le gouvernement, les organisations internationales et la société civile sur la question des conditions de travail.

Pavel Sulyandziga, à la tête du groupe de travail de l'ONU sur le commerce et les droits de l'homme, a indiqué que si les entreprises sont «liées aux conséquences négatives sur les droits de l'homme à travers leurs fournisseurs, elles ont la responsabilité d'exercer leur pouvoir en tant que clients pour essayer d'impulser un changement».

Le Bangladesh avait déjà annoncé le renforcement de mesures de sécurité après un incendie dans une usine textile près de Dacca en novembre, qui avait fait 111 morts. Mais les inspections avaient été jugées nettement insuffisantes pour faire progresser les conditions de sécurité déplorables dans ce secteur industriel.

D'après un responsable de l'enquête, des vibrations dues notamment à de gros générateurs sont à l'origine de l'effondrement du Rana Plaza.

Une douzaine de personnes ont été arrêtées dans le cadre de l'enquête, dont le propriétaire de l'immeuble et les propriétaires des ateliers de confection.

Un porte-parole de l'armée en charge des secours, le lieutenant Mir Rabbi, a indiqué à l'AFP mercredi que «le bilan s'élève désormais à 803 morts», dont 790 personnes retrouvées dans les ruines et 13 décès de blessés ayant succombé à l'hôpital. Selon les autorités, 2437 personnes ont été secourues vivantes.

Le brigadier général Siddiqul Alam Sikder a indiqué à l'AFP que les grues et les bulldozers déblayaient désormais les gravats correspondant au troisième étage du Rana Plaza et que l'odeur nauséabonde émanant de ce qu'il reste des étages inférieurs suggérait que des corps étaient encore bloqués dans les décombres.

«Nous pensons que nous allons trouver d'autres corps parce que nous n'avons pas encore atteint les étages inférieurs. Nous avons fini le travail à 70%», a-t-il ajouté.

Quelque 150 corps ont été retrouvés dans les escaliers de l'immeuble, les ouvriers ayant tenté de fuir les étages où ils se trouvaient. Mais le Rana Plaza s'est effondré en cinq minutes, rendant toute fuite vaine.

Selon des responsables des secours, certains corps extraits des décombres n'avaient plus tous leurs membres, d'autres étaient dans un état de décomposition avancée, rendant leur identification difficile. L'odeur obligeait les secours à porter des masques.

Ce drame a braqué les projecteurs sur les «ateliers de misère» du secteur textile, pilier de l'économie du Bangladesh, où des ouvriers payés parfois moins de 30 euros par mois travaillent à des cadences infernales.

Le Bangladesh est le deuxième pays exportateur de textile au monde, après la Chine. Cette industrie représente plus de 40% de la main d'oeuvre du pays et 80% de ses exportations.