Nusrat Begum, mère de famille, se présente aux législatives du 11 mai au Pakistan dans les zones pachtounes. Une femme candidate, c'est une première dans cette région autrefois occupée par les talibans. Même si elle est menacée de mort, sa candidature montre que les mentalités évoluent.

Nusrat Begum est une pionnière. De son village reculé dans la région de Dir, cette mère de cinq enfants entend devenir la première Pachtoune députée au Parlement. Un pari courageux.

Parsemé de montagnes, à la frontière afghane, Dir fut un temps sous la coupe des talibans avant d'en être débarrassé par l'armée en 2009. Et la société pakistanaise n'a longtemps toléré ses femmes qu'au foyer.

Pour d'obscures raisons, l'armée, qui occupe toujours Dir, nous a d'ailleurs interdit de rencontrer Nusrat Begum, bloquant la route vers Timergara, chef-lieu du district.

Pourtant, les mentalités changent. Quand elle évoque sa campagne au téléphone, Nusrat Begum parle d'une voix passionnée. «Les femmes d'ici me soutiennent. Il y a 14 000 électeurs et je suis sûre de compter sur l'appui de 4000 à 5000 d'entre eux», lance-t-elle. Peu d'observateurs parient sur elle. Le Jamaat islami, premier parti islamiste du pays, est favori.

Un parcours difficile

Depuis qu'elle s'est lancée dans la course, les difficultés s'accumulent. Son parti, le PTI, lui a préféré un homme plus influent pour mener la bataille électorale. Nusrat Begum se présente seule.

«J'ai toujours voulu faire de la politique et continuer mes études. Je voulais trouver du travail pour subvenir aux besoins de ma famille si mon mari tombait malade. Mais mon père m'a lancé: «L'éducation des femmes? Pour quoi faire? «» Après son mariage, une vie de labeur commence. «Ma belle-mère m'a battue pendant six ans. Les premières années de mariage ont été dures», confie la jeune femme. L'éducation et la lutte contre les violences conjugales sont donc les deux priorités de son programme.

Sa détermination n'en fait pas une féministe pour autant. Nursrat veut lutter contre «l'obscénité». «De nos jours, les jeunes filles ont des téléphones portables. Il faut le leur interdire et elles doivent se voiler pour se concentrer sur leurs études.»

Pour financer sa campagne, Nusrat Begum a vendu ses bijoux et la mobylette de ses fils. «Mes enfants m'en ont voulu. Ils m'ont dit: «Tu veux t'occuper des autres, mais les gens s'en fichent. Ils ne feront rien pour nous.»»

Son mari, qui travaille comme gardien dans une école, ne peut plus travailler à temps complet. Il est malade du rein, et ses problèmes de santé amputent un peu plus son maigre salaire.

Au dilemme financier s'ajoutent les menaces. «Il y a quelques jours, des inconnus m'ont appelée et m'ont dit: «Tu es une femme et tu n'as pas le droit de participer aux élections. Nous avons cinq balles pour toi et nous allons te tuer.» Mais j'ai donné ma parole. En tant que Pachtoune, je ne peux pas renier mes promesses. Si je continue, d'autres femmes suivront mon exemple.»