Un incendie a éclaté dimanche dans les décombres de l'immeuble d'ateliers de confection effondré au Bangladesh, tuant la dernière survivante qui était en train d'être retirée des ruines, a annoncé à l'AFP le chef des pompiers.

«Le feu a éclaté dans les ruines alors que nous étions en train de couper une poutre pour sortir une femme qui était, croyons-nous, la dernière survivante. Nous sommes arrivés à éteindre l'incendie, mais lorsque nous sommes revenus, nous avons vu qu'elle était morte», a déclaré le chef des pompiers, Ahmed Ali.

«C'était une femme courageuse et elle a lutté jusqu'au bout. Nous avons travaillé pendant 10 à 11 heures aujourd'hui pour essayer de la tirer de là vivante. Nous avons perdu. Cela nous a brisé le coeur à tous», a-t-il ajouté.

La télévision, qui suivait le sauvetage en direct, a montré des pompiers pleurer la mort de la dernière survivante piégée dans les ruines.

Les secours avaient reporté la décision de dégager les décombres avec des bulldozers afin d'éviter de compromettre la vie de la rescapée dont les cris avaient été entendus dimanche matin.

«Lorsque nous sommes arrivés, elle nous a suppliés de ne pas l'abandonner. Nous lui avons donné de l'eau, de l'oxygène, des sels minéraux et de la nourriture. Elle a tenu le coup», a expliqué un secouriste volontaire.

Au moins 379 travailleurs, en majorité des femmes, sont morts dans l'effondrement de l'immeuble, mercredi dernier.

Environ 2500 survivants ont pu être secourus. Un millier ont été grièvement blessés, les sauveteurs ayant dû en amputer beaucoup pour pouvoir les tirer des décombres.

Le propriétaire de l'immeuble arrêté

Par ailleurs, le Bangladesh a annoncé dimanche l'arrestation du propriétaire de l'immeuble de huit étages qui s'est effondré près de Dacca mercredi.

Le vice-ministre de l'Intérieur Shamsul Haque Tuku a annoncé l'arrestation de Sohel Rana, un entrepreneur membre du parti au pouvoir, soupçonné d'avoir enfreint le code de la construction du pays.

«Il a été arrêté et il sera jugé», a assuré le ministre.

Le directeur de l'unité d'élite de la police du Bangladesh, Mukhlesur Rahman, a précisé à l'AFP qu'il avait été arrêté à la frontière avec l'Inde.

Trois propriétaires d'ateliers présents dans le Rana Plaza de Savar, en périphérie de Dacca, avaient été arrêtés samedi pour répondre d'«homicide par négligence».

L'un d'eux est Aminul Islam, l'associé d'un Espagnol recherché, David Mayor, considéré comme «l'accusé numéro 4», selon Kaiser Matubbor, le policier chargé de l'enquête.

David Mayor est le directeur général de Phantom-Tac, une société conjointe à parts égales entre Phantom Apparels (Bangladesh) et Textile Audit Company (Espagne), installée sur plus de 2000 m2 dans l'immeuble effondré, selon le site internet de la société.

L'immeuble abritait cinq ateliers de confection notamment liés à la marque espagnole Mango (Inditex) et au britannique Primark, seules enseignes à avoir confirmé leurs relations avec des ateliers du Rana Plaza.

Des chemises bleues Benetton

Dimanche, un photographe de l'AFP a pris des clichés de chemises bleues étiquetées «United Colors of Benetton» là où le sous-traitant New Wave Bottoms, qui cite Benetton au nombre de ses clients sur son site internet, avait ses ateliers.

Sollicitée par l'AFP, la marque italienne n'avait pas immédiatement réagi à ces informations.

Benetton avait affirmé après l'accident que «les gens concernés dans l'effondrement de l'atelier au Bangladesh n'étaient pas des fournisseurs de Benetton».

L'AFP a par ailleurs trouvé sur le site des étiquettes destinées à la marque américaine de prêt-à-porter féminin Cato.

Le groupe de défense des ouvriers du textile, Clean Clothes Campaign, basé à Amsterdam, avait déjà affirmé que des étiquettes de la marque européenne C&A avaient été retrouvées. C&A a dit à l'AFP ne plus avoir de lien avec un fabricant du Rana Plaza depuis octobre 2011.

Selon l'ONG, le britannique Bon Marché, l'espagnol Corte Inglès et le canadien Joe Fresh --marque de confection vendue dans les supermarchés Loblaw-- ont confirmé leurs liens avec les ateliers du Rana Plaza.

Colère et grève

La plupart des 4500 usines de textile du Bangladesh étaient déjà à l'arrêt en raison de manifestations d'ouvriers en colère, et les entrepreneurs du secteur ont décrété fériés les deux jours de samedi et dimanche. Les syndicats ont appelé à la grève dimanche pour exiger de meilleures conditions de travail.

Il s'agit du pire accident dans l'histoire industrielle du Bangladesh, pays pauvre d'Asie du Sud qui a fait de la confection textile le pivot de son économie.

La catastrophe a relancé la polémique sur les conditions de travail dans ce secteur -qui emploie essentiellement des femmes travaillant pour moins de 40 dollars par mois pour des marques occidentales- et a attisé la colère des ouvriers qui ont obligé les usines à fermer.

Vendredi, des ouvriers ont attaqué des usines, renversé des véhicules, brûlé des pneus sur la route et essayé de mettre le feu à des échoppes le long du parcours de la manifestation de masse.

PHOTO PALASH KHAN, AP

Mohammed Sohel Rana