Comme chaque année lors des traditionnelles cérémonies du Vendredi saint, des catholiques des Philippines ont rejoué les dernières heures de Jésus Christ, cloués sur la croix ou en se flagellant, une dévotion poussée à l'extrême et réprouvée par l'Église du pays.

Les touristes, étrangers et philippins, sont venus en masse à San Fernando, à 90 minutes de route de Manille, pour assister à ces scènes sanglantes de la Passion du Christ.

Sous un soleil brûlant et sur un terrain vide en bordure de la ville, de longs clous ont été enfoncés dans les pieds et les paumes des mains de plusieurs hommes, qui se sont succédé sur la croix, devant un parterre de fidèles en prière. Dans cette région au nord de Manille, ils étaient une vingtaine à s'être prêtés à ce rituel.

Ailleurs dans San Fernando, des hommes la tête recouverte d'une cagoule se sont flagellés avec des morceaux de bambou noués par des cordes, en pénitence de leurs pêchés, projetant des gouttes de sang sur les spectateurs qui bordaient les rues.

Les volontaires au crucifiement attendent en échange la réalisation de leurs prières, qui portent souvent sur la guérison d'un proche.

«J'y suis habitué», déclare Alex Laranang, 58 ans, crucifié pour la 14e fois. «C'est comme une aiguille qui me traverse la main. Après deux jours, je suis prêt à retourner au travail», explique ce vendeur de petits pains dans les autobus.

Jusqu'à présent, dit-il, il a toujours été récompensé de ses souffrances: sa femme et ses enfants sont en bonne santé et il gagne sa vie.

«Je fais ça pour ma famille, pour que personne ne tombe malade et que je continue de gagner ma vie. Je suis pauvre, mais je ne demande pas à Dieu de me rendre riche».

Alex Laranang et les autres volontaires grimacent de douleur lorsque les clous sont enfoncés dans leurs membres. Une fois sur la croix, où ils restent quelques minutes, ils paraissent en transe, les yeux fixés vers le ciel.

À la descente de la croix, ils se rendent sous une tente médicale, tandis que les appareils photo des touristes crépitent. Deux sont portés sur des civières.

Ces crucifiements se déroulent dans la région depuis des décennies, malgré la désapprobation des évêques philippins.

«Les évêques répètent depuis longtemps qu'ils désapprouvent (cette pratique). Mais les gens font des voeux. Ils se sacrifient pour les autres», déclare Frère Francis Lucas, responsable du service de presse des évêques philippins. «Il y a tant de croix à porter dans la vie. Il n'est nul besoin d'en porter une pour de vrai».

Il regrette que ces scènes servent d'argument touristique. La ville de San Fernando dresse la liste des lieux et les heures des manifestations prévues pour le Vendredi saint, sur son site internet destiné aux touristes.

Les Philippines sont le plus grand pays catholique d'Asie, 80% de la population se réclamant de l'Église de Rome, un héritage de la période coloniale espagnole. Le divorce et l'avortement y sont interdits.

Le cardinal Luis Antonio Tagle faisait partie des favoris pour succéder au pape Benoit XVI.