Les violences entre bouddhistes et musulmans qui ont fait 40 morts ces derniers jours en Birmanie se sont rapprochées de Rangoun, selon la police, les États-Unis déconseillant «fortement» les déplacements dans plusieurs régions, dont certains quartiers de l'ancienne capitale.

De nouveaux incidents ont eu lieu dans plusieurs localités de la région de Bago, à des centaines de kilomètres de Meiktila, où les affrontements de la semaine dernière ont fait 40 morts selon le dernier bilan publié mardi par la presse officielle.

Plusieurs mosquées et des dizaines de maisons ont été détruites lundi soir dans cette région à environ 150 km au nord de Rangoun, sans faire de victime, a indiqué une source policière, ajoutant qu'une autre mosquée avait été détruite mardi.

«Des personnes extérieures sont entrées dans la ville avec environ 50 motos vers 21h hier soir (...). Ils sont allés vers la seule mosquée et l'ont détruite», a expliqué à l'AFP Kyaw Thet, habitant de Sittwin et membre du mouvement pro-démocratie Génération 88.

«Avant leur arrivée, il y a eu une coupure de courant et des lignes téléphoniques», et ils sont repartis au bout d'une heure, a-t-il ajouté.

Un habitant de la ville voisine de Gyobinggauk a indiqué que les autorités avaient annoncé un couvre-feu par haut-parleur.

Les violences communautaires s'étaient déjà étendues ce week-end dans plusieurs localités proches de Meiktila, sans faire de victimes.

En conséquence, l'ambassade américaine à Rangoun, soulignant la «profonde émotion suscitée de toutes parts», a «fortement» déconseillé à ses ressortissants de se rendre dans la région de Mandalay, où est située Meiktila, mais aussi d'éviter certains quartiers de Rangoun.

L'ancienne capitale n'a pas été touchée par les violences, mais des rumeurs ont provoqué des tensions ces derniers jours. Dénonçant ces «rumeurs», le quotidien officiel New Light of Myanmar a accusé des certaines personnes non identifiées de tenter de «déstabiliser» la ville.

Malgré tout, «la police dans tous les quartiers est en alerte et prête s'il se passe quelque chose», a indiqué une source policière à Rangoun.

Une simple querelle mercredi entre un vendeur musulman et des clients à Meiktila, dans le centre du pays, avait dégénéré, conduisant à la destruction par le feu de quartiers entiers et de mosquées, tandis que des corps calcinés gisaient dans les rues.

Pendant trois jours, des groupes d'émeutiers, dont des moines bouddhistes, avaient transformé Meiktila en coupe-gorge, avant que la ville ne soit placée sous état d'urgence et que l'armée n'en reprenne le contrôle samedi.

Selon l'ONU, citant des estimations du gouvernement, plus de 12.000 personnes ont été déplacées. Et des dizaines de personnes ont été arrêtées pour leur participation supposée à ces émeutes qui témoignent d'une tension préoccupante entre les communautés bouddhiste et musulmane.

En 2012, des affrontements entre bouddhistes de la minorité ethnique rakhine et musulmans de la minorité apatride des Rohingyas avaient déjà fait plus de 180 morts et 110 000 déplacés dans l'ouest.

Dans un pays où la majorité bamar considère le bouddhisme comme une partie intégrante de l'identité nationale, les analystes ont évoqué une véritable fracture religieuse qui pose un défi majeur au régime réformateur au pouvoir depuis la dissolution de la junte il y a deux ans.

«Il y a un risque considérable de nouvelles violences si des mesures ne sont pas mises en place pour empêcher cette escalade», a mis en garde le conseiller spécial de l'ONU pour la prévention du génocide, Adama Dieng, sur le site internet des Nations unies, évoquant de possibles «graves conséquences».

Lundi soir, le gouvernement avait promis de tout faire pour ramener l'ordre, mettant en garde contre l'«extrémisme religieux».

«Alors que le gouvernement essaye d'avancer sur les réformes démocratiques et le développement, la population doit se garder de (...) tout extrémisme religieux», avait-il indiqué.