Les militants pour les droits des femmes en Inde ont salué une nouvelle législation durcissant les sanctions contre les crimes sexuels, mais ils la jugent encore bien insuffisante pour lutter contre des attitudes culturelles sexistes, y compris au sein du système judiciaire.

La chambre basse du Parlement a approuvé mardi soir un projet de loi qui prévoit notamment une peine de 20 ans de prison minimum pour viol en réunion, au lieu de dix ans auparavant.

Le texte prévoit aussi la peine capitale en cas de mort d'une victime de viol ou si la victime se retrouve dans un état végétatif. Selon la loi actuelle, les violeurs encourent une peine d'emprisonnement de sept ans minimum.

Les associations de défense des droits des femmes ont salué l'élargissement de la définition des affaires à caractère sexuel, comme le harcèlement, la filature, les attouchements, le voyeurisme et même les attaques à l'acide.

Ce projet de loi, qui doit à présent être approuvé par la Chambre haute, a été voté trois mois après le viol collectif d'une étudiante, décédée des suites d'une agression qui a profondément choqué le pays. Plusieurs autres affaires de viol ont depuis défrayé la chronique.

Ranjana Kumari, directrice de l'association Centre for Social Research, a en particulier loué la décision de sanctionner des policiers qui n'auraient pas enregistré de plaintes pour harcèlement ou agression sexuelle.

«Cela va beaucoup aider à mettre fin à la culture de la honte qui entoure les victimes de crimes sexuels. Elles n'auront plus peur d'aller voir la police si elles sont attaquées», a-t-elle jugé, interrogée par l'AFP.

Mais ce projet de loi fait encore preuve de sérieux manquements, estime-t-elle, citant notamment le refus des parlementaires de criminaliser les violences conjugales, y compris le viol, et de durcir les sanctions contre les attaques à l'acide en les faisant passer de 7 ans de prison à la prison à vie.

«Leur échec à augmenter les peines pour de si fréquents et abominables crimes, comme les attaques à l'acide, alors qu'une femme souffre pour le restant de ses jours, montre clairement qu'ils ne les prennent pas au sérieux», dénonce Mme Kumari.

La nouvelle législation n'a pas non plus de disposition particulière pour les affaires d'inceste et elle n'a pas répondu aux demandes de certains parlementaires pour des sanctions plus sévères à l'égard du trafic d'enfants, souvent enlevés pour alimenter l'industrie du sexe.

L'adoption par la chambre basse du Parlement survient quatre jours après le viol en réunion d'une campeuse suisse de 39 ans, dans le centre de l'Inde, et le jour même où une touriste britannique a sauté par la fenêtre d'un hôtel à Agra (nord) pour échapper à deux hommes voulant entrer de nuit dans sa chambre.

«Ces attaques placent l'Inde sous un jour très mauvais, laissant penser au monde entier que nous ne pouvons garantir la sécurité qu'il s'agisse de nos femmes ou des touristes étrangères», a regretté Mme Kumari.

Le texte a par ailleurs été critiqué par des parlementaires, certains estimant que des sanctions pour voyeurisme et filature n'étaient pas justifiées.

«Qui parmi nous n'a jamais suivi de filles?», a ainsi interrogé Sharad Yadav, un ténor du parti régional Janata Dal, suscitant l'hilarité de ses collègues masculins à l'Assemblée.

Une parlementaire du parti communiste, Brinda Karat, a vivement réagi, estimant que le «Parlement a fait honte à l'Inde avec ses commentaires hautement sexistes». «Cela montre simplement à quel point les législateurs sont loin des réalités sociales actuelles», a-t-elle dit à l'AFP.

Certains ont aussi émis une note de réserve en se demandant s'il n'y avait pas un risque d'«application de la loi non appropriée» par des policiers sous formés.

«Les policiers ne savent même pas ce que veut dire le terme de filature et ils vont devoir verbaliser pour cela sans avoir surveillé le suspect, sans preuve?», a interrogé un avocat à la Cour suprême, Nikhil Mehra.