Le nouveau président de la Chine, Xi Jinping est décrit comme un homme énigmatique. Il faudra attendre des gestes concrets pour déchiffrer le style et les couleurs du chef de la deuxième puissance économique du monde. Pour en savoir plus sur cet homme de 59 ans élu pour 10 ans, La Presse a posé quatre questions à Fred Bild, ancien ambassadeur du Canada en Chine qui est professeur invité au Centre d'études de l'Asie de l'Est de l'Université de Montréal.

Q Quelles sont les origines de Xi Jinping?

R Il vient d'une famille de nobles communistes. Il est le fils de Xi Zhongxun, combattant au côté de Mao, le père de la République populaire de Chine. Il possède un bagage communiste respectable au sein du Parti communiste chinois. «Il a beaucoup de contacts et il sait s'en servir «, explique M. Bild. Son père est toutefois tombé en disgrâce. Sa mère a été envoyée en camp de travail et Xi Jinping a été envoyé à la campagne pour être «rééduqué» par les paysans. Il a ensuite décroché un diplôme d'ingénieur chimiste de l'Université de Pékin. Mais c'est grâce aux relations de son père, réhabilité sous Deng Xiaoping, qu'il a pu gravir les échelons au Parti communiste.

Q Sa femme est une vedette de la chanson, est-ce un atout ?

R La deuxième épouse du président, Peng Liyuan, est une chanteuse très populaire de l'Armée populaire de la libération. Elle a mis sa carrière en veilleuse à mesure que son époux a progressé au sein du Parti communiste pour ne pas nuire à sa carrière politique. «Elle lui apportera une certaine popularité, mais que vaut cette popularité quand le peuple ne vote pas ?», nuance M. Bild. Leur fille étudie à l'Université de Harvard, aux États-Unis sous un pseudonyme.

Q Doit-on s'attendre à des réformes, notamment en ce qui concerne la corruption ?

R «On soupçonne qu'il a des idées de réforme», dit M. Bild. Mais impossible d'en avoir la certitude. Dans certains discours, il a mis l'accent sur la poursuite des réformes économiques ce qui laisse penser qu'il pourrait être tenté d'étendre les changements à d'autres domaines, explique l'ancien ambassadeur. Tout comme son prédécesseur, le nouveau président a dénoncé la corruption au sein du parti. Mais quels gestes seront faits ? Dans un pays où les dirigeants ne sont pas élus par le peuple, mais par le congrès du parti, il n'y a pas de plateforme à expliquer au peuple. «On peut avoir du charisme au sein du parti, mais ce n'est pas important d'en avoir public. Sa personnalité, la façon dont il gouvernera, on ne peut la prédire, il faudra voir ce qu'il fera», précise M. Bild.

Q Jusqu'à quel point peut-il réformer le système politique chinois ?

R C'est un parti [unique] qui compte 80 millions de membres. Ils ne sont pas membres parce qu'ils sont des invétérés du marxisme-léninisme. Ils sont dans le parti parce que c'est une voie de progrès social et économique, dit M. Bild. Il ne faut pas s'attendre à des changements fondamentaux dans les premières années, les choses sont devenues très compliquées.