La chef de file de l'opposition birmane Aung San Suu Kyi a lancé samedi un vibrant appel à l'unité de son parti, réuni en congrès à Rangoun pour la première fois de son histoire et secoué par des querelles de pouvoir à deux ans d'élections législatives dont il est le favori.

La Ligue nationale pour la démocratie (LND) réunissait ses 850 délégués pour définir une stratégie, tourner la page de la clandestinité et se préparer à une possible victoire en 2015.

Une éventualité qu'elle est pour l'heure incapable d'assumer, selon les analystes, qui décrivent la réticence des compagnons de route de Suu Kyi, tous octogénaires, à céder la place à une nouvelle génération de militants plus au fait des réalités du pays.

«Nous devons admettre qu'il y a eu des conflits» ces derniers mois, a déclaré Suu Kyi, implorant les délégués d'«agir avec retenue» et de ne pas s'entredéchirer pour des postes. «L'esprit de fraternité est très important. Nous avons été forts dans le passé grâce à cet esprit».

La LND, qui a passé 20 ans dans la quasi-clandestinité sous la junte militaire et dont de nombreux cadres ont passé de longues années en prison, a réintégré le processus politique légal grâce aux réformes du nouveau régime.

Portée par l'extraordinaire charisme de la lauréate du prix Nobel de la paix, elle est devenue l'an dernier le premier parti d'opposition parlementaire, au terme de législatives partielles remportées haut la main.

Mais le parti a été secoué par de vives querelles internes ces derniers mois, conduisant notamment à l'expulsion de quatre membres, qui se sont vu refuser l'accès au congrès.

«Cela n'aurait pas dû arriver», pestait vendredi l'un d'entre eux, l'avocat Khin Maung Shein, 66 ans, outré de ne pas avoir pu s'expliquer et affirmant n'avoir rien fait d'autre que demander à des militants s'ils souhaitaient intégrer le Comité central.

«Ce genre de choses peuvent être très négatives pour le chef et pour le parti», a-t-il expliqué à l'AFP. «Si ça continue, l'avenir du parti pourrait être fragilisé».

Le congrès, qui s'est ouvert vendredi pour trois jours, doit permettre à la LND de désigner les 120 membres de son comité central, dont 15 au comité exécutif, derrière une chef de file incontestable, probablement reconduite dès samedi.

Il intervient deux ans après l'arrivée au pouvoir du président Thein Sein, un ancien général qui a tourné la page du régime militaire, multiplié les réformes et libéré les prisonniers politiques au cours d'un processus totalement inimaginable quelques mois auparavant.

«Nous devons élire un dirigeant qui soit en accord avec cette ère, en accord avec ce pays et avec le parti. Seul ce type de leader pourra travailler pour la LND», a martelé à cet égard Suu Kyi.

Mais au-delà de sa hiérarchie, il appartiendra à la Ligue de lancer des réflexions sur les problèmes du pays - la santé, l'éducation, le retard de développement, la corruption.

«Ce sera un test décisif pour eux, pour savoir s'ils forment un parti qui peut sortir de l'ombre et prouver qu'ils sont capables de diriger le pays», a estimé un analyste birman sous couvert de l'anonymat.

Plus que jamais, les regards vont se tourner vers la LND, relevait-il.

Une certaine opacité et désorganisation régnait pourtant autour du restaurant de Rangoun mobilisé pour le congrès, et décoré des drapeaux rouges du parti. Les médias ont même été maintenus à l'écart des débats vendredi, provoquant les protestations des journalistes.