«Regarde! C'est ma maison», se désole Adbur Razzaq, pointant une masure en briques de terre à moitié submergée par des eaux stagnantes, brunâtres, après des inondations ayant affecté des millions de personnes pour une troisième année de suite au Pakistan. Mais cette fois, loin des caméras.

La «mousson du siècle» au Pakistan, qui avait inondé en 2010 plus de 20% du pays et affecté 21 millions d'habitants, avait suscité une vive émotion à l'étranger. Les vedettes se mobilisaient, les journalistes accouraient dans le pays et les dons affluaient dans les caisses des ONG.

L'année suivante près de dix millions de personnes avaient été touchées par des inondations. L'intérêt avait diminué pour tomber à plat cette année.

Pourtant, plus de 470 personnes ont perdu la vie et cinq millions d'autres ont vu leur vie chamboulée dans un étrange silence, sorte de «black-out» qui contraste avec l'intérêt pour la tempête Sandy à l'origine de plus de 100 morts récemment aux États-Unis.

Deux mois après les pluies de mousson de septembre, la vie d'hommes et de femmes demeure stagnante comme l'eau qui a envahi sur des kilomètres la vallée de l'Indus, le grenier à blé du Pakistan, pays pauvre de plus de 180 millions d'habitants coincé entre l'Inde et l'Iran.

«J'attends que le niveau de l'eau baisse pour reprendre une vie normale», souffle Abdur Razzaq Mirali, du village éponyme de Mirali, situé dans le district de Jacobabad de la province méridionale du Sind, le plus affecté cette année par les crues.

Des rescapés des inondations se sont installés sur les nouvelles berges des cours d'eau, se sont agglutinés dans les rues de villes avoisinantes ou vivent encore sur des monticules entourés d'eau.

Des maisons ont été détruites, les récoltes perdues et une partie du bétail a péri dans cette région qui se relève à peine des crues des deux dernières années.

«Nous venions à peine de retourner dans nos villages lorsque cette nouvelle mousson nous en a chassés, une nouvelle fois», regrette Ali Mohammad Sundrani, 27 ans, qui vit avec sa famille sous une bâche plastique accrochée à des bambous en bordure d'une rue de la ville de Jacobabad.

«Nous sommes devenus à nouveau des sans-abris à cause de ces inondations», se désole-t-il. «C'est vraiment difficile d'être un sans-abri pendant si longtemps, de voir votre maison et votre travail balayés par ses torrents», dit cet ouvrier agricole.

D'après l'Autorité pakistanaise pour la gestion des désastres, environ 450 000 hectares de terres cultivées ont été ravagés à travers le pays. Et avec ces terres englouties, ce sont des récoltes entières qui sont bousillées.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) fournit des rations alimentaires à encore 1,2 million de victimes des inondations et prévoit être en mesure d'offrir des vivres aux 700 000 personnes les plus vulnérables jusqu'au début 2013.

«L'insécurité alimentaire demeure une préoccupation majeure dans les régions les plus touchées», explique à l'AfP Nicole Carn, coordinatrice des opérations d'urgence du PAM dans la région.

Car les cultivateurs pourraient ne pas être en mesure de planter leurs semences pour la saison d'hiver et donc de ne pas avoir de récolte au printemps, ce qui aboutirait à une nouvelle saison de la faim.

«Nous risquons de faire face à un grave problème de sous-alimentation», estime Wahab Pandhrani, à la tête de l'ONG locale Pirbhat, estimant que les autorités pakistanaises ont pris ces nouvelles inondations «à la légère».

Le bureau de la coordination de l'aide humanitaire de l'ONU (OCHA) chiffre à environ 170 millions de dollars américains les sommes nécessaires pour fournir de la nourriture, de l'eau, un toit et des services de base pendant encore six mois à ces victimes.