Le dissident chinois Wei Jingsheng, considéré comme le «père» du mouvement chinois pro-démocratie, a critiqué jeudi l'attribution du prix Nobel de littérature à Mo Yan, saluée par la presse officielle chinoise, comme une décision destinée à satisfaire Pékin.

Réputé proche du régime de Pékin, Mo Yan a déjà été critiqué par d'autres écrivains chinois pour son manque de soutien à des auteurs dissidents.

Wei Jingsheng, tout en saluant son talent littéraire, s'est interrogé jeudi sur certaines de ses actions, citant par exemple le fait qu'il ait copié à la main une partie d'un discours de Mao Zedong pour un ouvrage commémoratif.

Soulignant que la Chine comptait d'autres écrivains de talent, M. Wei a mis en cause auprès de l'AFP depuis Washington, où il vit en exil, le comité Nobel, assurant que le choix de Mo Yan avait été fait «parce qu'il serait toléré plus facilement par le régime communiste».

«Il suffit de regarder l'intérêt porté au Nobel par le gouvernement chinois avant et après l'annonce du choix du comité. On peut dire que ce prix a été accordé pour faire plaisir au régime communiste et qu'il n'est donc pas digne d'intérêt», a-t-il ajouté.

Wei Jingsheng, 61 ans, est un ancien électricien du zoo de Pékin considéré comme le père de la dissidence chinoise pour avoir réclamé la liberté en 1979 sur une affiche lors du mouvement dit du «Mur de la démocratie». Il a purgé en deux fois 18 années de prison en Chine avant d'être mis dans un avion pour les États-Unis en 1997, officiellement pour raisons de santé. Il dirige une fondation pour la démocratie qui porte son nom.

Une autre dissidente chinoise basée aux États-Unis, Chai Ling, a dit pour sa part être optimiste après ce prix Nobel, faisant remarquer que les autorités chinoises avaient salué le succès de Mo Yan alors que son dernier roman «Frog» critique pourtant la politique de l'enfant unique en Chine et les avortements forcés ou stérilisations qui l'ont accompagnée.

«J'espère que la critique sensée de Mo Yan sur la politique de l'enfant unique aidera d'autres personnes à se rendre compte de l'infanticide contre les filles qu'elle a causé», a-t-elle déclaré dans un communiqué.

Chai Ling, ancienne dirigeante du mouvement étudiant de la place Tiananmen en 1989, a fondé une association --nommée Toutes les filles sont permises (All Girls Allowed)--, qui se bat contre les avortements sélectifs pratiqués par les parents qui ne veulent pas de filles.

La nouvelle du prix accordé à Mo Yan a été accueillie par des réactions de fierté sur les réseaux sociaux chinois, saluée par l'Association des écrivains chinois et par le Quotidien du peuple, organe officiel du parti communiste.

En 2010, l'attribution du prix Nobel de la paix au dissident Liu Xiaobo avait ulcéré le régime chinois. M. Liu, ancien enseignant, avait été condamné le jour de Noël 2009 pour avoir corédigé la Charte 08, un texte demandant une démocratisation de la Chine communiste. Il est toujours emprisonné depuis.