Des centaines de milliers de personnes ont fui certaines grandes villes de l'Inde au cours des dernières semaines, dans la foulée des violences qui font rage entre la minorité musulmane et des groupes autochtones dans l'État d'Assam, dans le nord-est du pays.

Ainsi, de nombreux Assamais vivant en «Inde continentale» - à Bombay, à Bangalore et à Calcutta, notamment - sont retournés en masse vers leurs terres natales. «Il y a eu une campagne très importante sur l'internet de groupes musulmans contre les Assamais», affirme Sanjib Baruah, politologue à l'Université Bard, dans l'État de New York, et auteur du livre India Against Itself: Assam and the Politics of Nationality. «On a sorti des photos de désastres naturels où on voyait des corps de musulmans et on a dit que c'étaient des massacres de musulmans. Ça signifie aussi que les Assamais ne se sentaient pas vraiment chez eux en Inde continentale.»

Migrations et tensions

«Le nord-est de l'Inde a reçu beaucoup de réfugiés de la guerre d'indépendance du Bangladesh, en 1971, explique M. Baruah. Cette région est en quelque sorte l'équivalent du Far West, il y a beaucoup de groupes autochtones distincts des groupes ethniques du reste de l'Inde. Ils ont mal vécu l'arrivée des Bangladais.»

En effet, durant la guerre de 1971, plus de 10 millions de réfugiés bangladais ont fui vers l'Inde. «Mais tous n'étaient pas musulmans, précise M. Baruah. Certains étaient des hindous qui étaient restés dans le secteur musulman après la partition de l'Inde, en 1947.»

Narendra Subramanian, politologue à l'Université McGill, précise que la migration de Bangladais à l'extérieur de l'actuel Bangladesh dure depuis la fin du XIXe siècle. «L'Inde veut bien garder ceux qui sont arrivés avant 1971, mais il y a souvent des problèmes de papiers d'identité», ajoute M. Subramanian.

Cette réaction des Assamais contre la migration bangladaise est similaire à celle qui frappe les Rohingyas musulmans dans la province d'Arakan, en Birmanie, qui a aussi fait les manchettes cet été, dit M. Baruah.

Luttes autonomistes

De nombreux groupes autonomistes ont pris les armes dans le nord-est de l'Asie depuis la fin des années 70 pour défendre leur territoire. «L'Inde a apaisé les soulèvements en accordant de l'autonomie aux groupes autochtones de manière un peu populiste, dit M. Baruah, ce qui a affaibli le gouvernement central d'Assam.» Les Bodos, par exemple, qui sont au coeur de l'embrasement de cet été, gouvernent une zone où ils ne forment que le tiers de la population, qui couvre 10% de l'État d'Assam.

Environ 30 millions de personnes habitent l'État d'Assam, l'un des plus pauvres de l'Inde, dont un tiers de musulmans. En 2008, d'autres violences ethniques avaient fait 200 000 réfugiés musulmans.