La Cour constitutionnelle de Thaïlande, protégée par des centaines de policiers, tranche vendredi sur une plainte de l'opposition contre le parti au pouvoir, qui pourrait conduire à la dissolution de celui-ci et à une nouvelle explosion de la scène politique.

Le Parti démocrate, proche des élites de Bangkok, a déposé un recours contre une proposition du Puea Thai de la Première ministre Yingluck Shinawatra d'amender la Constitution de 2007, promulguée par la junte alors au pouvoir.

Les Démocrates y voient une menace pour la monarchie, révérée par beaucoup de Thaïlandais. Ils dénoncent aussi un complot pour faire revenir Thaksin Shinawatra, frère de Yingluck, chassé du pouvoir en 2006 par un coup d'Etat et qui reste, depuis son exil, le personnage-clé de la politique nationale.

La Cour pourrait, dans le cas le plus explosif, dissoudre le parti majoritaire un an après sa victoire aux législatives et provoquer de nouvelles manifestations dans un pays rythmé par les mouvements de rue.

En prévision d'un tel scénario, près de 2000 policiers ont été déployés autour du bâtiment et les magistrats sont protégés, selon la police.

L'université de la Chambre de commerce thaïlandaise a prévenu qu'une nouvelle crise politique pourrait faire perdre un point de croissance en 2012, à 4-4,5%, contre 5-5,5% en cas de rejet de la plainte.

«Il y aura une réaction violente s'il y a une répétition de l'usurpation des résultats des urnes», a estimé Thitinan Pongsudhirak, politologue à l'université Chulalongkorn de Bangkok.

Les Thaïlandais, a-t-il ajouté, ne veulent plus de ces «efforts systématiques pour saper et déstabiliser les institutions démocratiques».

La Cour avait déjà éliminé les deux ancêtres du Puea Thai, interdisant à plus de 200 de ses membres toute activité politique pour cinq ans et conduisant à l'arrivée au pouvoir des Démocrates, qui n'ont pas gagné une élection depuis 20 ans.

Et une répétition de ce que certains qualifient de «coup d'Etat judiciaire» mettrait de l'huile sur le feu dans un pays divisé entre masses rurales et urbaines défavorisées, loyales à Thaksin, et élites gravitant autour du palais royal, qui le voient comme une menace pour la monarchie.

Au printemps 2010, jusqu'à 100 000 «rouges» avaient occupé Bangkok pendant deux mois pour réclamer la démission des Démocrates au pouvoir, avant un assaut de l'armée. La crise avait fait plus de 90 morts et 1.900 blessés.

Leurs ennemis intimes, les «chemises jaunes» royalistes, qui ont fait chuter plusieurs gouvernements depuis six ans, ont réussi le mois dernier avec quelques milliers de militants à faire retarder l'examen d'une loi qu'ils jugent favorable à Thaksin.