L'opposante birmane Aung San Suu Kyi a siégé pour la première fois lundi comme députée à la chambre basse du Parlement, consécration de son entrée dans le jeu politique légal après des années de lutte passées pour la plupart en résidence surveillée.    

« J'essaierai de faire de mon mieux pour mon pays », a déclaré la chef de file de l'opposition et prix Nobel de la paix. Interrogée en fin de journée sur ce qu'elle avait pensé de la première session ordinaire de sa carrière politique, elle a répondu froidement : « Un travail est un travail. »

Après deux décennies de quasi-illégalité sous le joug de la junte, son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), est devenu lors des élections partielles d'avril dernier le premier parti d'opposition avec environ 10 % des sièges.

L'hémicycle est largement dominé par les militaires et leurs alliés. Mais le régime dit « civil », qui a succédé en mars 2011 à la junte, a consolidé son pouvoir avec l'annonce la semaine dernière du départ imminent de plusieurs conservateurs de postes-clés du gouvernement.

Ce remaniement pourrait être confirmé cette semaine.

Outre le remplacement de ministres considérés comme des freins aux réformes, le Parlement doit entériner la nomination d'un nouveau vice-président pour remplacer Tin Aung Myint Oo, proche de l'ancien patron de la junte aujourd'hui à la retraite, le généralissime Than Shwe.

La session parlementaire s'était ouverte mercredi dernier, mais Suu Kyi, 67 ans, revenue quelques jours auparavant d'un voyage de plus de deux semaines en Europe, avait obtenu de ne pas assister aux premières séances.

« C'est bien qu'elle arrive aujourd'hui, nous lui souhaitons tous la bienvenue », a commenté le général Wai Lin, l'un des militaires d'active à qui sont réservés d'office 25 % des sièges.

« Elle peut améliorer le processus de réformes et (...) donner plus de droits aux minorités ethniques », a estimé pour sa part Ngon Maungg, un député du Parti national chin, l'une des nombreuses minorités du pays.

Dans les jours à venir, les députés doivent notamment se consacrer aux violences dans l'État Rakhine (ouest) entre communautés musulmane et bouddhiste, qui ont fait plus de 80 morts et des dizaines de milliers de déplacés en juin.

À l'ordre du jour figure aussi la loi sur les investissements, dans un marché prometteur, mais dépourvu des infrastructures légales nécessaires pour assouvir la soif des grands groupes étrangers.

Suu Kyi a promis qu'elle se joindrait au « concert législatif » pour pousser vers une plus grande « transparence » du Parlement.

Sa carrière de députée débute 22 ans après sa victoire aux élections de 1990, dont les résultats n'ont pas été reconnus par les militaires. Elle a ensuite été privée de liberté pendant 15 ans.

Mais le président et ancien général Thein Sein, à qui la junte sortante a confié les rênes du pouvoir en mars 2011, a multiplié les gestes en sa direction et libéré des centaines de prisonniers politiques.

Il a simultanément réussi à gagner la confiance de l'Occident. L'Union européenne a ainsi suspendu ses sanctions et les États-Unis ont nommé un ambassadeur.

La route vers la démocratie, notamment des élections libres en 2015 pour lesquelles la LND fait d'ores et déjà figure de favorite, n'en est pas moins chaotique.

Au moins vingt responsables étudiants ont été arrêtés vendredi à travers le pays, à la veille de cérémonies consacrées au cinquantenaire des manifestations de 1962, année qui a marqué le début d'un demi-siècle de juntes militaires.

Ils ont tous été libérés samedi. Les autorités n'avaient pas mené ce type d'opérations depuis la dissolution de la junte.