Deux responsables du district de Krymsk ont été limogés aujourd'hui lundi alors que les sauveteurs continuent de déblayer les décombres de la petite ville du sud-ouest de la Russie, où une violente crue a fait 171 morts, et dont les habitants sont en colère contre les autorités malgré le deuil national décrété par Vladimir Poutine.

Compte tenu du mauvais fonctionnement du système d'alerte de la population et des conséquences de cette catastrophe, «j'estime que le chef du district et le maire (de Krymsk) doivent être relevés de leurs fonctions dès aujourd'hui», a déclaré le gouverneur de la région de Krasnodar, Alexandre Tkatchev, dans un communiqué.

Au cours d'une réunion de crise, il a affirmé que, à l'occasion de ses rencontres avec la population locale, de nombreux habitants lui avaient dit n'avoir reçu aucune alerte des risques d'inondation de la part des responsables du district de Krymsk.

De son côté, pendant une réunion au Kremlin, le président russe, Vladimir Poutine, a exigé une analyse « le plus vite possible » des causes de cette « horrible tragédie ».

« Il faut analyser les causes de cet événement - le travail de tous les services, non seulement pour le système d'alerte, mais aussi pour les équipements hydrauliques - afin d'éviter qu'une autre tragédie du genre ne se produise ailleurs», a déclaré M. Poutine, selon l'agence de presse RIA Novosti.

« Cela doit être fait le plus vite possible. Faites-moi part de l'état d'avancement des travaux d'ici à la fin de la semaine », a ajouté M. Poutine devant plusieurs ministres du gouvernement.

Plus de 25 000 personnes ont perdu leurs biens en tout ou en partie dans ce bourg de l'arrière-pays de la Riviera russe, après les pluies torrentielles survenues dans la nuit de vendredi à samedi qui ont touché également la station balnéaire de Gelendjik et le port voisin de Novorossiisk, dans la mer Noire.

Près de 3000 secouristes et spécialistes du ministère russe des Situations d'urgence participaient aux opérations de secours dans la zone sinistrée et encore inondée par endroits à la suite de cette « tragédie sans précédent », selon les mots du gouverneur de la région de Krasnodar, Alexandre Tkatchev.

Une vingtaine de cérémonies funèbres ont eu lieu à Krymsk lundi, en cette journée de deuil national décrétée par le président Vladimir Poutine à la mémoire des victimes de la catastrophe, mais aussi de celle de 14 pèlerins orthodoxes Russes tués samedi dans un accident d'autocar en Ukraine.

Les drapeaux étaient en berne au-dessus du Kremlin et d'autres bâtiments publics. Les chaînes de télévision nationales ont retiré de leurs programmes les émissions de divertissements et les publicités.

Le premier ministre russe, Dmitri Medvedev, a annulé une rencontre prévue à Sotchi sur les Jeux olympiques d'hiver de 2014 dans cette ville balnéaire située également dans la région de Krasnodar, pour présider une réunion consacrée à la catastrophe.

Les autorités russes ont réaffirmé lundi que les fortes crues avaient été provoquées par des pluies diluviennes, écartant le facteur technologique.

Certains habitants continuent d'affirmer que la catastrophe a été causée par un lâcher d'eau de la retenue artificielle de Neberjdaevskoe, située en amont de Krymsk, et beaucoup reprochent aux autorités de ne pas les avoir alertés.

Le ministre des Situations d'urgence, Vladimir Poutchkov, a estimé lundi que le système d'alerte n'avait pas fonctionné correctement, évoquant des «erreurs», selon l'agence Ria Novosti.

Fait rare dans le pays, journaux pro-gouvernementaux et d'opposition sont unanimes pour blâmer les autorités locales.

La tragédie de Krymsk «est la démonstration parfaite de ce à quoi peuvent mener la négligence et la vie au petit bonheur la chance», écrit le quotidien pro-Kremlin Izvestia.

Le journal économique Vedomosti souligne que les autorités étaient bien conscientes des risques d'inondation dans la région, d'autant plus que des crues y avaient fait environ 200 morts en 2002.

La catastrophe « montre la même défaillance des autorités à défendre la population des catastrophes naturelles qu'à la défendre des bandits », juge le quotidien, qui condamne « l'incompétence et l'irresponsabilité » des responsables politiques.

«Pourquoi autant de morts?» titre de son côté le quotidien pro-gouvernement Komsomolskaïa Pravda, tandis que le journal populaire Moskovski Komsomolets assène: «On aurait pu prévoir et éviter la catastrophe à Krymsk.»

«Encore plus effrayant: les habitants de n'importe quelle autre grande ou petite ville, de n'importe quelle région "à problème" du pays pourraient vivre une situation analogue», poursuit-il.

«Et il ne sert à rien d'attendre de l'aide du pouvoir, du moins dans les premières heures après les catastrophes naturelles», dit-il.

Dans une interview à Izvestia lundi, le gouverneur de la région de Kranodar a décrit la crue comme «une énorme surprise. C'est une catastrophe équivalente à un tremblement de terre [...], que peut-on faire? L'homme ne peut ici rien faire, il n'a aucune possibilité», a déclaré M. Tkatchev.