Tous les leaders étudiants interpellés vendredi en Birmanie ont été libérés après un peu moins de 24 heures d'une détention jugée par leurs pairs comme un pas en arrière du pouvoir, qui n'avait pas mené ce type d'opérations depuis la dissolution de la junte, en mars 2011.

Au moins vingt responsables étudiants avaient été arrêtés vendredi soir à travers le pays, à la veille de cérémonies consacrées au cinquantenaire des manifestations de 1962, année qui a marqué le début d'un demi-siècle de juntes militaires.

Mais selon un responsable gouvernemental et des cadres étudiants, ils ont été relâchés samedi soir, après un peu moins d'une journée de détention, délai au-delà duquel les autorités auraient, selon la loi, demandé l'autorisation d'un juge pour les garder.

«Les quatre arrêtés à Rangoun ont été libérés et nous avons l'information que les autres à travers le pays ont également été libérés», a indiqué Zaw Min, un des leaders de Génération 88, une organisation étudiante à l'origine du soulèvement de 1988 réprimé dans le sang.

Malgré cette vague d'interpellations inattendue et la présence de policiers en civil prenant des photos, plus de 300 personnes s'étaient réunies samedi matin à Rangoun au siège de Génération 88 pour commémorer le 7 juillet 1962.

Ils avaient également insisté pour la libération immédiate des militants et dénoncé l'action des autorités.

«Des arrestations sans raison peuvent causer du tort à la réconciliation nationale. Nous accusons aussi le gouvernement d'essayer de reculer», avait ainsi déclaré Kyaw Ko Ko, un jeune leader étudiant, lors de cette cérémonie.

Il y a cinquante ans, les étudiants avaient manifesté contre le coup d'État ayant porté au pouvoir le général Ne Win, qui dirigera la Birmanie d'une poigne de fer jusqu'en 1988. La répression avait fait plusieurs dizaines de morts et le bâtiment de l'Union étudiante avait été dynamité le lendemain par les autorités.

«Les arrestations sont un obstacle sur le chemin vers la démocratie», avait également estimé Mie Mie, cadre historique de Génération 88.

Cette vague d'arrestation était surprenante alors que le régime a libéré mardi dernier une vingtaine de prisonniers politiques supplémentaires, après les quelque 500 libérés en octobre et janvier, dont les leaders du mouvement de 1988.

«Le gouvernement était inquiet que ce type de cérémonie des étudiants puisse causer des troubles. Ils ont pris des précautions en interpellant les plus importants», a justifié samedi à l'AFP un responsable gouvernemental.

Si les leaders étudiants ont vu dans cette opération un pas en arrière de la part d'un gouvernement qui a multiplié les réformes spectaculaires depuis la dissolution de la junte en mars 2011, certains sont restés plus prudents pour décrire ce qui pourrait n'être qu'un incident de parcours.

Aung Naing Oo, analyste au Vahu Development Institute, a insisté samedi sur un contexte de tensions lié aux violences entre musulmans et bouddhistes qui ont fait plus de 80 morts en juin dans l'État Rakhine.

«Depuis le problème en Arakan (ancien nom de l'État Rakhine, ndlr), le pays est sur les nerfs et le gouvernement va être plus que prudent», a-t-il estimé, notant que le régime de Naypyidaw était actuellement «inquiet de tout rassemblement».

Mais le président Thein Sein a, par ses réformes, réussi à persuader l'Occident de commencer à alléger ses sanctions et n'a aucune raison de saboter son propre bilan, selon l'expert.

«Le gouvernement fait également attention à ses relations internationales et je ne pense pas qu'il ferait quoi que ce soit, comme des arrestations de masse» qui risque de le mettre en danger.

Plusieurs conservateurs du régime birman, dont des ministres et l'un des deux vice-présidents, ont été donnés partants cette semaine, une annonce considérée comme la confirmation que les réformateurs rassemblés autour de Thein Sein consolidaient leur emprise sur le pouvoir.