Il y a un an à peine, Choi Song-min quittait la Corée du Nord pour s'installer au sud. Se disant trahi par le régime de Pyongyang, cet ancien soldat travaille aujourd'hui à informer le reste du monde sur ce qui se passe à l'intérieur du «Royaume ermite». La Presse l'a rencontré dans ses bureaux de Séoul.

«Quand j'ai vu les images diffusées à la télévision chinoise, ma tête s'est mise à tourner. J'avais la nausée. J'ai réalisé que tout ce que le gouvernement nous avait appris sur le monde extérieur était des mensonges.»

Encore aujourd'hui, Choi Song-min est ému lorsqu'il se rappelle les moments qui ont précédé sa défection. Contrairement à plusieurs de ses compatriotes, l'homme de 56 ans n'a pas fui son pays parce qu'il avait faim. Il l'a quitté parce qu'il en avait assez des mensonges.

Devenu directeur d'usine dans la ville de Chongjin après 22 ans passés au service de l'armée nord-coréenne, Choi Song-min faisait partie de la classe moyenne aisée. Il a commencé à prendre connaissance de l'ampleur de la propagande à laquelle s'adonnait le régime lors d'un voyage d'affaires en Chine réalisé il y a quelques années.

Puis, en 2010, l'épisode du torpillage d'un navire de guerre sud-coréen a mis le clou dans le cercueil du peu de confiance qu'il avait encore envers le Parti des travailleurs. «Parce que j'ai servi dans l'armée, je savais très bien que l'attaque avait été initiée par la Corée du Nord, expose-t-il. Mais, dans les journaux, le gouvernement décrivait la chose comme une initiative de la Corée du Sud. On nous a enseigné à l'école que le gouvernement est honnête et qu'il fait de son mieux pour protéger la population. C'est faux.»

À cette époque, deux de ses fils avaient déjà fait défection. L'aîné voulait échapper à la peine de huit ans de prison qu'il risquait pour avoir été arrêté après avoir visionné un feuilleton sud-coréen. Choi Song-min, sa femme et leur troisième fils ont par la suite fui, un à un, en Chine. Tous vivent aujourd'hui en banlieue de Séoul.

Voulant informer le monde sur la situation à l'intérieur de l'un des pays les plus hermétiques au monde, Choi Song-min est devenu journaliste. Il est l'un des six Nord-Coréens, qui ont fui leur pays, employés par le Daily NK, un site d'information consacré à l'actualité nord-coréenne qui ne cache pas sa position anti-Pyongyang. En janvier dernier, grâce à des informations obtenues auprès d'une source en Corée du Nord, Choi Song-min a révélé que ceux qui n'avaient pas participé aux rassemblements organisés après la mort de Kim Jong-il (en décembre 2011) ou ceux qui y ont participé, mais n'ont pas pleuré ou n'ont pas semblé sincères seraient condamnés à passer au moins six mois dans un camp de travail. La nouvelle avait alors été abondamment relayée sur le web.

Choi Song-min croit qu'une grande majorité de Nord-Coréens font preuve d'une fausse loyauté envers le régime. «Le taux de fidélité a chuté dramatiquement au cours des dernières années, remarque-t-il. Cela est dû principalement à la réforme monétaire.» À la suite de la réévaluation du won en 2009, plusieurs citoyens de la classe moyenne, dont Choi Song-min, ont perdu une grande partie de leurs économies.

Selon le rédacteur en chef sud-coréen du Daily NK, Shin Ju-hyun, seulement 30% de la population à Pyongyang et entre 10% et 20% des gens vivant à l'extérieur de la capitale sont vraiment loyaux au régime. «Les autres prétendent l'être juste pour ne pas être punis», affirme-t-il.

***

LA CORÉE DU NORD RESSERRE LES CONTRÔLES

 

Cinq mois après l'arrivée au pouvoir de Kim Jong-un, peu de choses ont changé en Corée du Nord, pays dirigé d'une main de fer depuis 64 ans par la dynastie des Kim. Plusieurs observateurs s'attendaient à plus d'ouverture. Le jeune leader a plutôt resserré les contrôles afin d'asseoir son leadership, note le rédacteur en chef du Daily NK, Shin Ju-hyun.

«Pyongyang exerce un contrôle plus sévère sur la population afin de contrer les défections, remarque Shin Ju-hyun en regard d'informations reçues de divers contacts vivant en Corée du Nord et avec qui lui et ses collègues communiquent par le biais du réseau cellulaire chinois. Le gouvernement a mis en garde les Nord-Coréens en leur disant que s'ils quittaient le pays, leur famille serait tuée.»

Chris Green, journaliste à la section anglaise du Daily NK, croit que Kim Jong-un n'aura, un jour, pas d'autres choix que de faire preuve de plus d'ouverture. «Kim Jong-un a seulement 29 ans ou environ (NDLR: son âge exact est inconnu), souligne-t-il. Difficile de croire qu'il peut rester au pouvoir pour encore 50 ans sans apporter aucun changement.»

Shin Ju-hyun est de ceux qui croient que Kim Jong-un ne restera pas au pouvoir très longtemps. Selon lui, les chances que le régime actuel tombe d'ici cinq à 10 ans sont de l'ordre de 60% à 70%. «Ça ne veut pas dire que la Corée du Nord deviendra un pays démocratique, précise-t-il. Mais, une chose est sûre, si Kim Jong-un tombe, le pays entier changera très rapidement.»

***

23 100 Le nombre de personnes qui ont fui la Corée du Nord et se sont établies en Corée du Sud, au 31 décembre 2011, selon des données du ministère sud-coréen de l'Unification.