«L'avocat aux pieds nus» chinois Chen Guangcheng attend toujours dans un hôpital de Pékin un passeport pour pouvoir aller étudier le droit à New York. Mais certains de ses proches sont harcelés par la police, tout comme des avocats qui les défendent.

Q Quelle responsabilité a le gouvernement chinois dans le harcèlement?

R Selon les analystes, c'est la police provinciale du Shandong, dont le gouvernement a été accusé par M. Chen d'avoir forcé des femmes à se faire avorter, qui est responsable du harcèlement. C'est aussi le gouvernement provincial qui l'a confiné à son domicile après sa sortie de prison, en 2010. Les autorités locales n'hésitent pas, en Chine, à envoyer leurs policiers faire des arrestations d'opposants politiques dans d'autres juridictions. Le gouvernement de Pékin ne veut pas s'immiscer dans cette affaire locale, et surtout ne veut pas avoir l'air de céder aux pressions américaines. Certains des proches harcelés font partie d'une liste de personnes à protéger remise par les États unis à la Chine.

Q Qu'arrivera-t-il à Chen Guangcheng?

R Pour le moment, il séjourne à l'hôpital pour traiter une colique et une fracture du pied survenue durant son évasion de son domicile, le 22 avril dernier. Il a affirmé à plusieurs journalistes ne pas avoir de nouvelles des diplomates américains qui l'ont hébergé à leur ambassade du 25 avril au 2 mai. Mais il a aussi déclaré être pour le moment confiant de pouvoir aller aux États-Unis avec sa famille. Il y serait admis en tant qu'étudiant et non de réfugié politique.

Q Pourquoi Chen Guangcheng a-t-il quitté l'ambassade américaine?

R Les diplomates américains ont expliqué à plusieurs médias que M. Chen semblait être satisfait des promesses du gouvernement chinois de le laisser étudier le droit dans une autre province et d'enquêter sur son traitement par les autorités du Shandong. Mais après une première nuit à l'hôpital, il a plutôt affirmé ne pas avoir quitté l'ambassade de son gré, mais en raison d'une menace chinoise à l'effet que sa femme et sa fille, amenées à Pékin, seraient renvoyées dans leur village du Shandong s'il ne sortait pas de l'ambassade. C'est pourquoi il a réclamé d'étudier aux États-Unis. Les diplomates reconnaissent que cette information lui a été transmise, mais nient qu'il s'agisse ouvertement d'une menace. De plus, il affirmait que des gardes chinois empêchaient les Américains de le visiter - l'ambassade affirme lui avoir laissé trois téléphones portables et que le diplomate qui devait passer la nuit avec lui a compris qu'il désirait passer du temps seul avec son épouse.

Q Y a-t-il un lien avec la succession chinoise?

R Le chef de la sécurité nationale, Zhou Yongkang, est un allié de Bo Xilai, un haut dirigeant du parti récemment tombé en disgrâce. Il reviendrait à M. Zhou de mettre au pas la police provinciale du Shandong. Or, il fait partie de l'aile conservatrice du PCC, qu'horripile toute remise en question de la suprématie des autorités. Chen Guangcheng a d'ailleurs fait appel à Wen Jiaobao, le premier ministre, qui a récemment appelé à un plus grand respect des lois de la part des autorités et fait partie de l'aile réformiste - qui a le vent dans les voiles - en vue de la formation du nouveau gouvernement l'automne dernier. Un diplomate américain aurait été témoin d'une altercation entre des négociateurs de la sécurité nationale et des Affaires étrangères chinoises, durant les négociations.

SOURCES: BBC, The Economist, The New York Times, AP, The Washington Post, The Wall Street Journal