Le meurtre sauvage d'un employé de la Croix-Rouge et la diffusion d'une vidéo d'otage américain suppliant qu'on épargne sa vie ont rappelé ces derniers jours les dangers croissants qui menacent les travailleurs humanitaires au Pakistan et compliquent leur tâche sur le terrain.

Les multiples organisations humanitaires qui travaillent au Pakistan, régulièrement meurtri par les conflits et catastrophes naturelles, réexaminent leurs procédures après le meurtre de Khalil Dale, un employé du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dont le corps décapité a été retrouvé fin avril à Quetta (sud-ouest), quatre mois après son enlèvement.

L'assassinat non revendiqué de ce Britannique de 60 ans, converti à l'islam, a d'autant plus choqué la communauté des ONG que son employeur, le CICR, a une réputation de neutralité qui lui permet de travailler en sécurité dans les pires zones de conflit.

Depuis 2009, au moins 19 travailleurs humanitaires ont été tués et plus de 20 autres enlevés par des rebelles et groupes criminels au Pakistan, selon le Forum humanitaire du Pakistan (FHP), qui représente environ 50 de ces organisations internationales employant au total plus de 200 expatriés et 10 000 Pakistanais.

Le FHP s'inquiète de l'augmentation récente des incidents visant les organisations humanitaires, notamment les kidnappings, qui va selon lui «les empêcher encore plus de fournir une aide permettant aux populations les plus vulnérables de survivre et d'améliorer leur condition».

Dimanche dernier est apparue une vidéo montrant l'otage américain Warren Weinstein implorant le président américain Barack Obama de lui sauver la vie en accédant aux revendications de ses ravisseurs.

Cet homme de 70 ans travaillant dans le développement pour une société privée avait été enlevé en août dernier à son domicile de Lahore (est), et serait selon des sources de sécurité pakistanaises détenu par Al-Qaïda et ses alliés talibans dans leurs bastions des zones tribales du nord-ouest.

Son enlèvement, ainsi que celui de deux humanitaires italien et allemand un peu plus tard à Multan (centre), une ville qui comme Lahore était jusque là considérée comme sûre, a attisé les craintes au sein des ONG.

«Des inspecteurs qui devaient venir d'Europe ont annulé leur visite à la dernière minute» après le meurtre de l'employé du CICR, a déclaré à l'AFP un responsable d'une grande ONG internationale sous couvert d'anonymat.

«Nous avons vraiment renforcé nos mesures de sécurité. Nos équipes disent que le risque reste bas à Islamabad, mais le nombre d'enlèvements a augmenté, et nous n'aurions jamais imaginé avant que cela puisse arriver dans une ville comme Multan», ajoute-t-il.

Nombre d'ONG ont mis en cause la CIA pour avoir organisé une fausse campagne de vaccination à Abbottabad (nord) pour s'assurer, via des prélèvements d'ADN sur sa famille, qu'Oussama Ben Laden se trouvait bien sur place, comme elle le soupçonnait, avant le raid américain qui l'a tué le 2 mai 2011.

Cette opération a selon elles renforcé les soupçons d'espionnage des ONG. Après la mort de Ben Laden, les autorités ont limité la marge de manoeuvre des étrangers dans le pays en restreignant les visas et déplacements.

Après le meurtre de Khalil Dale, des responsables du CICR sont venus de Genève pour rencontrer les autorités locales et réévaluer leur déploiement dans le pays.

Avant même son enlèvement, l'organisation avait déjà annoncé une réduction de sa présence au Pakistan, en raison notamment, selon une source interne, de la difficulté croissante qu'elle avait d'obtenir des visas auprès des autorités.

L'une des options du CICR pourrait être selon elle de revenir à une présence plus légère comparable à celle qu'elle avait avant le tremblement de terre de 2005 (75.000 morts) qui avait provoqué un afflux d'ONG dans le pays. Ce qui reviendrait à laisser environ cinq expatriés à Islamabad et quelques dizaines dans l'hôpital de Peshawar (nord-ouest), contre 100 dans le pays en début d'année.