Les États unis ont placé en deuxième position sur leur liste des terroristes présumés les plus recherchés au monde le Pakistanais Hafiz Saeed, un leader islamiste accusé d'avoir organisé les attentats de Bombay en 2008 et qui continue de critiquer publiquement les Américains.

Si le chef d'Al-Qaïda, l'Égyptien Ayman al-Zawahiri, reste la cible numéro un de Washington, avec une récompense pouvant aller jusqu'à 25 millions de dollars, Hafiz Saeed, avec 10 millions de dollars, figure désormais juste en dessous, au même niveau, par exemple, que le chef des talibans afghans, le mollah Omar.

L'annonce, faite par la sous-secrétaire d'État américaine Wendy Sherman lors d'une visite en Inde lundi, a été confirmée mardi sur le site gouvernemental américain Rewards for Justice, où Washington promet ces récompenses en échange d'informations pouvant conduire à des arrestations et inculpations.

Rewards for Justice assure que Saeed est «soupçonné d'avoir organisé nombre d'attaques terroristes, dont celle de Bombay en 2008, qui a provoqué la mort de 166 personnes, dont six citoyens américains».

Saeed a estimé, dans un entretien téléphonique avec l'AFP, que la récompense américaine pour sa capture constituait un «acte de terrorisme» mis en oeuvre sur l'ordre de New Delhi et visant à gêner une réconciliation entre Islamabad et Washington.

Les relations entre les deux capitales sont en effet fragilisées depuis plusieurs mois par plusieurs événements, dont le raid américain unilatéral qui a tué le chef d'Al-Qaïda Oussama ben Laden en mai 2011 dans le nord du Pakistan.

Saeed est l'un des fondateurs du Lashkar-e-Taïba (LeT), un groupe islamiste basé dans l'est qui entretient des liens historiques étroits avec les services de renseignement pakistanais (ISI) et qui est accusé d'avoir mené de sanglantes attaques contre l'Inde, rival historique du Pakistan, dont celles de Bombay.

Washington promet également une récompense de 2 millions de dollars pour Hafiz Abdul Rahman Makki, décrit comme le numéro deux du LeT.

Saeed dirige la fondation Jamaat-ud-Dawa (JuD), une importante ONG d'aide, considérée comme une vitrine du LeT. Les deux organisations, accusées d'être terroristes, notamment par l'Inde, sont officiellement interdites au Pakistan, même si plusieurs pays accusent Islamabad de ne rien faire contre eux.

La JuD a toujours nié toute implication dans des actes de terrorisme.

Le Pakistan, qui avait placé Hafiz Saeed en résidence surveillée un mois après les attentats de Bombay, l'a libéré en 2009, une mesure confirmée l'année suivante par la Cour suprême faute de preuves justifiant sa détention.

Depuis, et contrairement à la plupart des autres ennemis publics de Washington, souvent en fuite, Hafiz Saeed vit librement et continue d'apparaître publiquement au Pakistan sans cacher son hostilité envers Washington.

Fin mars, il avait ainsi participé à une manifestation demandant au Pakistan de ne pas rouvrir ses routes aux convois de ravitaillement de la force de l'OTAN en Afghanistan (ISAF), dirigée par les États-Unis.

Le gouvernement pakistanais s'est jusqu'à présent refusé à commenter sur le fond l'annonce américaine, au contraire de l'Inde qui a salué une décision reflétant, selon elle, l'engagement de New Delhi et de Washington à juger les coupables des attentats de Bombay et à éradiquer tous les réseaux terroristes de la région.

Le ministre pakistanais de l'Intérieur, Rehman Malik, s'est borné à dire qu'il ne pouvait s'exprimer avant une «vérification officielle» de l'annonce américaine. «Disons que si cela est confirmé, alors nous pourrons demander (à Washington) sur quelle base la récompense a été annoncée», a déclaré le ministre à la chaine de télévision privée Geo.

Un porte-parole de la JuD a, lui, accusé Washington d'avoir fait cela uniquement pour «faire plaisir à l'Inde». «Hafiz Saeed a été déclaré innocent par la justice», a dit ce porte-parole, Hafiz Muhammad Masood, ajoutant: «Cette annonce ne l'empêchera pas de poursuivre ses activités» normalement.

C'est également l'avis de nombre d'observateurs, faute de preuves et eu égard aux liens historiques entre Hafiz Saeed et les puissants services de l'ISI.

«L'arrêter, mais sur quelles bases ? Vous devez apporter des preuves devant un tribunal», a souligné l'analyste pakistanais Imtiaz Gul.

«L'"establishment" pakistanais ne le remettra pas sous prétexte d'une récompense et tout citoyen pakistanais qui tentera d'obtenir la prime en renseignant les Américains sera pris pour cible», prédit Sreeram Chaulia, un enseignant au sein de la Jindal School of International Affaires à Sonipat (nord de l'Inde).

Selon Brahma Chellaney, un analyste au sein du Centre de recherche politique à New Delhi, la récompense souligne surtout l'échec de la politique américaine à l'égard du Pakistan, son allié-clé dans la région depuis la fin 2001.