À première vue, une statistique indienne rendue publique hier annonce une excellente nouvelle. Selon la Commission de la planification, pour la première fois dans l'histoire du pays de Gandhi, moins de 30% des Indiens vivent sous le seuil de la pauvreté.

Mais déjà, une armée d'organisations de la société civile dénonce la nouvelle statistique en faisant valoir que ce n'est pas la pauvreté qui en a pris pour son rhume, mais la manière de la calculer.

Le débat a commencé l'automne dernier lorsque la Commission de la planification indienne a fait valoir devant la Cour suprême du pays qu'un Indien qui dépense plus de 28 roupies (0,53$) par jour n'est pas pauvre. Les organisations non gouvernementales qui se sont opposées à ce calcul ont suggéré aux membres de la commission de vivre avec 0,50$ par jour afin de prouver que cette mesure est aussi «adéquate» qu'ils le font valoir.

Malgré la controverse, le rapport publié hier par l'organisme gouvernemental utilise le seuil de pauvreté fixé en septembre dernier. À la lumière des nouvelles statistiques, la pauvreté en Inde aurait reculé de 7% entre 2004-2005 et 2009-2010, passant de 37,2% à 29,8%.

Selon la commission, c'est dans les zones rurales, où le seuil de la pauvreté est établi à 672,8 roupies (13,21$) par mois, que la situation se serait le plus grandement améliorée. La pauvreté y aurait reculé de 8%.

Président du Centre de recherches pour le développement international, David Malone remarque que le nouveau barème indien est bien en deçà du seuil de pauvreté extrême de 1,25$ par jour fixé par la Banque mondiale. «Je ne sais pas comment on peut expliquer les motivations (derrière le calcul indien), mais on peut supposer que le gouvernement indien considère que les statistiques de pauvreté sont gênantes», estime l'expert, interrogé hier par La Presse.

Inégalités chroniques

Ancien ambassadeur du Canada en Inde, il rappelle que le parti du Congrès, actuellement au pouvoir au sein d'une coalition de gauche, a fait de la lutte contre la pauvreté son principal cheval de bataille. «Une chose est sûre, la baisse des niveaux de pauvreté a été plus lente au cours des dernières années que ne le souhaitait le gouvernement», note M. Malone.

La difficile gestion des mesures antipauvreté, la corruption, la crise économique mondiale et le manque d'investissements font partie des facteurs expliquant la subsistance de la pauvreté en Inde, pays affichant une population de quelque 1,2 milliard de personnes.

Selon les critiques indiens, le nouveau calcul de la pauvreté, en plus de redorer l'image du gouvernement, pourrait permettre aux autorités de faire des coupes dans les programmes de subvention en nourriture et en huile de cuisson destinés aux moins nantis du pays.

Sous le seuil de la pauvreté

29,8%

Selon la Commission de la planification indienne, c'est le pourcentage de la population qui vivait sous le seuil de la pauvreté en 2009-2010, soit quelque 358 millions de personnes. Lors du dernier calcul, il s'élevait à 37,2% de la population. Selon la nouvelle étude - controversée -, c'est dans les campagnes que la pauvreté a le plus diminué.

Dépenses d'une journée

0,53$

Ou 28,65 roupies. Une personne qui dépense moins que cette somme par jour est considéré comme vivant sous le seuil de la pauvreté, selon la nouvelle statistique indienne, fort controversée. La Banque mondiale quant à elle considère que 1,25$ par jour est la mesure de pauvreté extrême.

-Avec la Banque mondiale, BBC, The Times of India, NDTV