À la fois maoïste et dirigeant moderne séduisant, le flamboyant Bo Xilai vient de subir l'affront paradoxal d'être limogé par le Parti communiste chinois dont il a tant fait la promotion à la tête de sa métropole géante de Chongqing.

Âgé de 62 ans tout comme la République populaire de Chine, l'ambitieux M. Bo voit son ascension arrêtée brutalement quelques mois avant le XVIIIe congrès du Parti au cours duquel il espérait intégrer le «Saint des Saints» du pouvoir en Chine: le Comité permanent du Bureau politique.

La chute est rude pour cet homme élégant, aux costumes soignés, considéré comme l'une -si ce n'est la première- des étoiles politiques montantes du pays.

Il est d'ailleurs justement né sous une bonne étoile, dans le Shanxi (nord): son père Bo Yibo, révolutionnaire de la première heure, fut lui-même membre du bureau politique.

Cela n'empêchera pas le fils, comme d'autres «princes rouges», d'endurer la déchéance provisoire de son père, victime d'une purge durant la Révolution culturelle.

Certaines biographies officielles de Bo Xilai ne commencent qu'en 1968, avec ses cinq ans de «prisonnier durant la Révolution culturelle». Elles omettent ainsi ses années de garde rouge dans l'une des organisations les plus radicales, la brigade Liandong.

Bo Xilai n'adhère officiellement au Parti communiste qu'en octobre 1980, pendant ses années d'études à l'Académie des sciences sociales, dont il sort diplômé en journalisme.

Son ascension suit la voie classique de l'apparatchik bâtissant sa carrière en province, au Liaoning, une province industrielle du nord-est qu'il gouverna de 2001 à 2004, et notamment à Dalian, la préfecture dont il fut maire (1993-2000).

Après avoir pris les rênes en 2004 du ministère du Commerce à Pékin, il peaufine sa réputation de négociateur ferme mais charismatique, se débrouillant bien en anglais.

Pouvant se targuer des excellentes performances des exportations chinoises, il est promu en 2007 au sein de l'une des plus hautes instances dirigeantes de la Chine, le Bureau politique du Parti communiste, composé de 25 membres.

Mais c'est à Chongqing, mégalopole du Centre-Ouest dont il devient secrétaire du Parti, que le «Kennedy chinois» va réaliser ses véritables faits d'armes. En quelques années, il transforme tambour battant cette ville-laboratoire en pôle économique majeur.

Ce développement s'accompagne d'une croisade contre la corruption, avec des milliers d'arrestations brutales et des retentissants procès antimafia, une opération mains propres vivement critiquée par les défenseurs des droits de l'homme et qui lui vaut de nombreux ennemis.

L'influent M. Bo fait aussi des vagues en voulant faire revivre à Chongqing l'idéal révolutionnaire de Mao Zedong. Il lance une vaste campagne de propagande, à coups de slogans et «chants rouges» patriotiques.

«Les milieux juridiques étaient extrêmement critiques à l'égard de Bo Xilai, notamment autour de l'affaire Li Zhuang, l'avocat de l'un des criminels, qui a été arrêté pour des motifs extrêmement ténus», explique Jean-Pierre Cabestan, un expert de la Chine.

Et selon Patrick Chovanec, un spécialiste de l'Université de Tsinghua (Pékin), Bo Xilai a «indisposé» de nombreux leaders chinois avec son style atypique. «Il est très ouvert, très confiant, très charismatique et la majorité des dirigeants chinois ne se comportent pas ainsi».