Des dizaines de milliers de personnes ont acclamé dimanche l'opposante birmane Aung San Suu Kyi lors d'un déplacement dans le sud du pays pour soutenir son parti avant les élections partielles du 1er avril, vues comme un test de la sincérité des réformes du nouveau régime.

«Si nous allons dans la bonne direction, de nombreuses possibilités s'offriront à notre pays. Nous sommes impatients de les saisir», a déclaré la lauréate du prix Nobel de la paix, elle-même candidate aux législatives pour la première fois de sa carrière.

«Vous êtes notre coeur», proclamaient des banderoles agitées par ses partisans arborant des T-shirts frappés du logo de sa Ligue nationale pour la Démocratie (LND).

Les habitants s'étaient déplacés en masse pour apercevoir en chair et en os la leader de l'opposition libérée de résidence surveillée en novembre 2010 et qui effectuait dans cette région côtière de Dawei son premier déplacement de campagne en dehors de Rangoun.

«Nous avions demandé plusieurs fois à (Aung San Suu Kyi) de venir faire campagne dans notre région (...) Elle n'était pas venue ici depuis 23 ans», a souligné à l'AFP Aung Soe, candidat de la LND qu'elle était venue soutenir.

Après un premier discours dans la ville de Dawei, de nombreuses voitures et motos ont suivi le cortège qui la menait de village en village, des enfants en uniformes scolaires l'acclamant sur son passage, et une foule encore plus nombreuse l'attendait dans la circonscription de Aung Soe.

Des scènes inimaginables il y a encore un an, lorsque la «Dame» de Rangoun détestée par le généralissime Than Shwe, leader de l'ancienne junte aujourd'hui à la retraite, était marginalisée après avoir passé la majeure partie des vingt années précédentes privées de liberté.

Mais depuis, la junte au pouvoir pendant près d'un demi-siècle s'est autodissoute en mars 2011 et a transféré ses pouvoirs à un nouveau gouvernement «civil», bien que contrôlé par d'anciens militaires.

Cette nouvelle équipe a multiplié les réformes spectaculaires, libérant des centaines de prisonniers politiques et permettant le retour de Suu Kyi au coeur du jeu politique.

La LND, dissoute en mai 2010 pour avoir décidé de boycotter les élections de novembre suivant, a ainsi été autorisée à se réenregistrer et présentera des candidats pour les 48 sièges en compétition dans les assemblées nationales et régionales le 1er avril.

Ces élections qui doivent pourvoir des postes laissés vacants par des élus nommés ministres ne pourront pas menacer la majorité écrasante du parti du pouvoir.

Malgré tout, «les gens devront regarder si elles sont libres et justes. Il ne doit y avoir ni achat de voix ni menace pour obtenir des votes», a martelé Suu Kyi.

Des conditions sur lesquelles insistent également les capitales occidentales. Après le scrutin de 2010 dénoncé par l'Occident comme une mascarade, la façon dont se déroulera celui-ci sera clé à Washington et Bruxelles pour décider de lever ou non les sanctions.

La LND avait remporté une victoire écrasante aux élections de 1990, mais la junte n'avait jamais reconnu les résultats.

Le déplacement de dimanche devait également conduire Suu Kyi sur les lieux du controversé projet de construction d'un complexe industriel et d'un port en eaux profondes, qui fait craindre à certains un afflux incontrôlé d'industries sales au mépris des droits des populations locales.

Nouveau signe d'évolution du régime, les autorités viennent cependant d'annuler la construction d'une centrale au charbon sur le site, évoquant des «problèmes environnementaux».

Suu Kyi, qui n'a effectué que quelques rares visites en dehors de Rangoun depuis sa libération, a connu par le passé des déplacements difficiles.

En 2003, elle et son équipe avaient été agressées dans une embuscade, semble-t-il orchestrée par la junte au pouvoir, qui avait fait une centaine de morts selon la LND, quatre selon le régime. L'agression avait conduit à son placement en résidence surveillée pour sept ans.