Depuis quelques semaines, les nouvelles qui émanent de Birmanie ont de quoi surprendre: libération de prisonniers politiques, négociations avec les rebelles, annonce d'élections. Mais qu'est-ce qui a changé dans ce pays où, il y a un an encore, la junte militaire exerçait une répression tous azimuts? Son président. Plusieurs comparent déjà le nouveau leader à Mikhaïl Gorbatchev.

Personne ne s'attendait à grand-chose quand Thein Sein, officier de haut rang de l'armée birmane, a abandonné son uniforme pour devenir président «civil» du pays. Ce ne serait que la junte militaire dans de nouveaux habits, ont pensé les observateurs. Près d'un an plus tard, ils révisent leur analyse.

En poste depuis mars dernier, l'ex-militaire surprend. Beaucoup. Le premier «eh ben!» a été lancé l'an dernier, quand Thein Sein a rencontré en tête-à-tête le Prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, opposante de la junte militaire qui a passé le plus clair des 20 dernières années en prison... par ordre du régime, dont le nouveau président est une figure de proue.

Ce n'était que le début. Récemment, Thein Sein a multiplié les annonces pour démontrer que la Birmanie est sur la voie de la démocratisation. La semaine dernière, il a relâché une centaine de prisonniers politiques, parmi lesquels le leader de la rébellion des moines bouddhistes, dite «la révolution de safran», qui avait secoué le pays en 2007.

Le gouvernement a aussi entrepris des négociations avec nombre de groupes rebelles issus des minorités ethniques qui composent le tiers de la population birmane. Un cessez-le-feu a notamment été signé avec les Karen, dans ce qui est l'une des plus longues guerres civiles du monde.

Des élections sont aussi prévues pour le 1er avril, et cela n'a pas du tout l'air d'une plaisanterie. Cette semaine, Aung San Suu Kyi a décidé de se lancer dans la course parlementaire pour la première fois de sa vie.

Perestroïka birmane

Au cours des dernières semaines, plusieurs ont commencé à comparer Thein Sein à Mikhaïl Gorbatchev, l'ex-leader communiste qui avait mis en branle la perestroïka dans l'espoir de réformer l'Union soviétique.

Issu de l'armée, Thein Sein, qui a été général puis premier ministre, a longtemps été vu comme l'un des loyaux disciples de Than Shwe, homme fort de la junte birmane.

Âgé de 66 ans, Thein Sein ne traîne pas d'histoire de corruption derrière lui, et il a la réputation d'être un modéré dans ce régime qui compte plusieurs durs de durs.

«Il faut faire attention à ce parallèle entre Gorbatchev et Thein Sein, note toutefois Bruce Matthews, expert de la Birmanie et professeur à l'Université Acadia, en Nouvelle-Écosse. Gorbatchev avait plus de pouvoir que Thein Sein, qui a été mis en place par Than Shwe. Ce dernier peut le rappeler quand il veut», ajoute-t-il. S'ils se sentaient menacés, les éléments les plus conservateurs de la junte, qui se trouvent notamment au Conseil national de défense et de sécurité, pourraient aussi facilement tirer dans les jambes du président réformiste. «Mais il reste que la Birmanie vit un moment crucial de son histoire et semble prête à sortir de sa coquille», conclut M. Matthews.