La Birmanie a libéré vendredi plusieurs prisonniers politiques de premier plan, une amnistie qui était réclamée sans relâche par l'Occident comme preuve de la sincérité des réformes du nouveau régime et qui a été immédiatement saluée par l'opposition.

Plusieurs leaders du soulèvement étudiant de 1988, dont la répression avait fait quelque 3000 morts, étaient notamment concernés par cette amnistie, nouveau geste majeur du régime birman dont le rythme des réformes ne faiblit pas.

«Je savais que les changements arrivaient. J'ai toujours dit qu'ils seraient atrocement lents, mais certains sont atrocement rapides», a salué Aung Naing Oo, expert du Vahu Development Institute, relevant que l'amnistie constituait «une obligation pour la normalisation des relations avec l'Occident».

Min Ko Naing, qui a passé la majeure partie de son temps en prison depuis 1988 et qui purgeait une nouvelle peine de 65 ans de prison pour son rôle dans la «révolte Safran» de 2007, est ainsi sorti dans la matinée, selon sa soeur.

Htay Kywe, autre leader de la «Génération 88», condamné à la même peine, a également été libéré, tout comme le célèbre moine Gambira, qui purgeait une peine de 63 ans.

Sur la liste également Khun Htun Oo, leader de la minorité ethnique shan, qui purgeait 93 ans de détention, et plusieurs journalistes de Democratic Voice of Burma, groupe de télévision, radio et site internet d'exilés.

L'ex-premier ministre Khin Nyunt, 72 ans, a également bénéficié de cette mesure. Il avait été limogé en 2004, puis arrêté et condamné l'année suivante à 44 années de résidence surveillée pour corruption.

Sa chute s'était accompagnée du démantèlement complet des services de renseignement militaire. Il s'est présenté devant les photographes en tee-shirt, avec sa famille, déclarant qu'il ne reviendrait pas en politique.

Selon le quotidien officiel anglophone New Light of Myanmar, cette amnistie concerne au total 651 personnes et a pour objectif «la réconciliation nationale (et) leur participation au processus politique».

La Ligue nationale pour la démocratie (LND) de l'opposante Aung San Suu Kyi s'en est félicitée sans réserve. «C'est un signe positif pour tout le monde. Nous saluons ces libérations», a dit à l'AFP son porte-parole Nyan Win.

«Le gouvernement devrait assurer qu'il n'y a aucun obstacle à ce que ces militants participent à la vie publique et aux élections qui approchent», a réclamé de son côté Elaine Pearson, directrice adjointe pour l'Asie de l'organisation Human Rights Watch.

Un ambassadeur américain à Rangoun

La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a indiqué vendredi que les États-Unis étaient prêts à échanger des ambassadeurs avec la Birmanie, après la libération par le régime de prisonniers politiques de premier plan.

«En consultation avec les membres du Congrès et sous la direction du président (Barack) Obama, nous allons entreprendre une procédure en vue d'échanger des ambassadeurs avec la Birmanie», a déclaré Mme Clinton, lors d'une brève allocution au département d'État à Washington.

«Nous allons choisir une personne qui représentera l'administration américaine en tant qu'ambassadeur», a-t-elle précisé.

Mme Clinton a indiqué qu'elle remplissait ainsi la promesse qu'elle avait faite fin 2011 lors d'une visite historique en Birmanie de répondre à «chaque action (des autorités birmanes) par une action».

La junte au pouvoir pendant près d'un demi-siècle s'est auto-dissoute en mars dernier et a transmis ses pouvoirs à un gouvernement «civil», mais totalement contrôlé par d'anciens militaires.

Ce gouvernement a depuis multiplié les réformes, tranchant avec l'immobilisme autocratique de la junte du généralissime Than Shwe et le climat de terreur qui régnait dans ses rangs.

Il a notamment permis le retour au coeur du jeu politique de Suu Kyi, qui se présentera aux prochaines élections partielles d'avril, alors qu'elle était encore en résidence surveillée en novembre 2010.

Il a également entamé un dialogue avec les groupes rebelles des minorités ethniques, signant des cessez-le-feu avec certains d'entre eux, dont le dernier en date, jeudi, avec la principale rébellion des Karens.

L'ONU, l'Union européenne et les États-Unis, dont la secrétaire d'État Hillary Clinton a effectué début décembre une visite historique en Birmanie, réclament la libération de tous les prisonniers politiques pour confirmer cette tendance.

Le 12 octobre, 6300 personnes avaient été libérées dont environ 200 prisonniers politiques et l'humoriste et dissident Zarganar. Mais cette amnistie avait été jugée très incomplète.

Le nombre de prisonniers de conscience -artistes, journalistes, moines, intellectuels et autres opposants- qui étaient encore détenus jusqu'à aujourd'hui était sujet à diverses estimations, allant de 500 à 1600.

Il faudra quelques jours pour savoir combien n'ont pu monter dans ce dernier wagon.