«Un nouveau jalon», disent les uns. «Un projet de loi électoraliste qui fera plus de mal à l'économie que de bien aux Indiens les plus démunis», répondent les autres. Tout juste adopté, dimanche, par le gouvernement indien, le «projet de loi sur la sécurité alimentaire», qui sera étudié dès demain par le Parlement, déchaîne déjà les passions. Quatre mots pour comprendre la mesure qui annonce déjà les couleurs des prochaines élections au pays du Mahatma Gandhi.

SUBVENTION

Selon «le projet de loi sur la sécurité alimentaire», 700 millions des 1,2 milliard d'Indiens auront droit à des denrées subventionnées. Les plus démunis (46% de la population rurale et 28% de la population urbaine) pourront se procurer tous les mois 7 kg de grains à des prix hautement subventionnés. Alors qu'un kilogramme de basmati se vend environ 40 roupies (ou 0,78$) sur le marché, les bénéficiaires payeront 3 roupies (0,05$) par kilogramme de riz. La nouvelle mesure fera grimper à 61 millions le nombre de tonnes de grains distribués dans le pays dans le cadre de programmes sociaux.

MALNUTRITION

Selon une étude de la Banque mondiale, deux fois plus d'enfants souffrent de sous-nutrition en Inde qu'en Afrique subsaharienne. En 2000, près de 47% des enfants indiens de moins de 5 ans avaient un poids insuffisant. La Banque mondiale a maintes fois critiqué les programmes indiens pour remédier à la situation qui consistent à distribuer de la nourriture. Selon l'organisme, ces programmes aident peu ou pas les enfants de moins de 3 ans, principales victimes de la malnutrition.

ÉLECTIONS

Le principal parti au pouvoir, le Parti du Congrès, fait des pieds et des mains pour que le projet de loi soit adopté avant les élections qui auront lieu au début de l'année dans le plus populeux des États indiens, l'Uttar Pradesh. Plusieurs observateurs notent aussi qu'en mettant la mesure de l'avant maintenant, le Congrès en récoltera les bénéfices aux prochaines élections législatives de 2014. Les partis de l'opposition, quant à eux, qualifient d'irresponsable la mesure qui coûtera annuellement 5 milliards au Trésor indien.

CORRUPTION

Un système de distribution de nourriture pour les plus démunis est déjà en place en Inde. Mais il est plombé par un problème titanesque: la corruption. «Puisque le gouvernement veut utiliser les mêmes réseaux de distribution, plusieurs craignent les fuites. La nourriture se rendra-t-elle vraiment jusqu'aux plus pauvres?», se demande Sara Ahmed, spécialiste de programme au Centre de recherches pour le développement international.