Kim Jong-il est mort. Maintenant, à quoi s'attendre de son fils Kim Jong-un? Comment se déroulera la transition, tant à l'intérieur du pays qu'avec ses voisins? La Presse a interrogé deux experts: Scott Bruce, politologue à l'Institut Nautilus, et Jennifer Lind de l'Université Darmouth.

Kim Jong-un peut-il vraiment succéder à son père?

«Son seul atout est d'être une copie conforme, au niveau physique, de Kim Jong-il», estime Scott Bruce, politologue à l'institut Nautilus, qui étudie les pays du Pacifique. «Mais il a l'appui de la Chine et de son oncle, Jang Sung-taek, qui a été promu en même temps que Kim Jong-un au sommet du parti et du gouvernement. Kim Jong-il avait confiance en Jang Sung-taek, qui est marié avec sa soeur préférée. Il était ambassadeur en Suisse au moment où les enfants de Kim Jong-il y étudiaient. Aussi, l'an prochain est le 100e anniversaire de la naissance de Kim Il-sung, le père de Kim Jong-il et le fondateur de la Corée du Nord. Il y aura de nombreuses célébrations, ce sera une manière de rassembler les différentes parties.

Peut-il y avoir une guerre civile?

«Il y a trois grands centres de pouvoir en Corée du Nord: le parti, les bureaucrates et l'armée, dit Scott Bruce. Il commence en outre à y avoir une classe commerciale qui bénéficie de la relative ouverture à l'économie de marché. Il y a 800 000 abonnés au réseau de téléphonie cellulaire en Corée du Nord. Ce sont des gens qui ne peuvent pas être contrôlés comme avant. Ces quatre groupes n'ont pas les mêmes priorités et les mêmes relations avec la Chine. Cela dit, tant le parti que l'armée savent que si les choses se corsent et qu'il y a une guerre civile ou une guerre avec la Corée du Sud, c'est la fin du régime. Et la fin du régime, c'est la fin de l'impunité pour les actes de terrorisme et de prolifération des armes de destruction massive.»

La Corée du Nord risque-t-elle de devenir plus dangereuse? La Corée du Sud doit-elle s'attendre à une provocation armée?

C'est certainement un risque. La Corée du Sud s'est mise en état d'alerte militaire. Un tir de missile dans la mer du Japon a été qualifié de routinier, mais cet automne, la Corée du Nord a renforcé ses batteries côtières qui avaient pilonné l'île sud-coréenne de Yongpyong l'année dernière. «Kim Jong-un pourrait être tenté de montrer qu'il peut être fort en procédant à une attaque limitée «, dit Jennifer Lind, politologue à l'Université Dartmouth, dans le New Hampshire. «Mais en même temps, la Corée du Sud a promis l'an dernier de répliquer à toute autre provocation armée, et la Corée du Nord n'est pas sûre qu'elle bluffe.»

Quel rôle peut jouer la Chine?

«La Chine ne veut pas jouer ses cartes de manière trop rude ou déstabilisante, parce qu'elle veut par-dessus tout la stabilité, dit Scott Bruce. Cela dit, l'influence économique chinoise est énorme. Elle est la seule à investir dans le pays. La dernière apparition publique de Kim Jong-il a été à l'ouverture du premier supermarché à Pyongyang et les enseignes utilisaient le nom chinois de ce type de magasin.» Jennifer Lind ajoute que les Nord-Coréens sont très nationalistes et ne veulent pas avoir l'air d'obéir à qui que ce soit.