Une croissance galopante, une dette négligeable, des ressources abondantes: l'Indonésie affiche une santé économique insolente, à l'heure où le monde s'essouffle, faisant figure de «mini-Chine» qui détrônera France et Allemagne dans moins de 30 ans, selon des analystes.

Dans les centres commerciaux rutilants de marbre où les élégantes de Jakarta affichent leur dernier sac Hermès, ou dans les gratte-ciel de verre et d'acier où les jeunes cadres dynamiques amassent des fortunes, on en est déjà persuadé: l'Indonésie est le nouvel «i» dans le groupe des grands pays émergents dit des «Brics» (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).

Preuve pourrait en être la récente commande de 230 Boeing passée par la compagnie indonésienne Lion Air, pour près de 22 milliards de dollars.

Déjà première économie d'Asie du Sud-Est, l'Indonésie figurera «parmi les dix plus grandes puissances mondiales en 2020 et les six en 2030», prédit la banque britannique Standard Chartered.

L'archipel de 240 millions d'habitants et 17 500 îles dépassera ainsi l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France, croit savoir la banque, qui rappelle que l'Indonésie est déjà membre du prestigieux G20, club des principaux pays riches et émergents.

Depuis 2005, le plus grand pays musulman de la planète connaît une croissance d'environ 6% l'an. Et elle va s'accélérer, pour atteindre en moyenne 6,6% sur la période 2012-16, prévoit l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). L'Indonésie sera ainsi l'économie la plus dynamique en Asie du Sud-Est, selon l'organisation.

De tels taux n'ont pas grand chose à envier à la croissance indienne, passée sous les 7% pour la première fois en plus de deux ans, ni même à celle de la Chine, tombée à 9,1%, contre 10,4% en 2010.

Des finances saines

Le miracle indonésien, on le doit à une «demande intérieure très robuste», explique à l'AFP Tanaka Kensuke, économiste à l'OCDE.

Le Produit intérieur brut (PIB) par habitant reste certes faible (4.200 dollars selon la Banque mondiale, soit la 157e place mondiale), mais l'Indonésie, quatrième pays le plus peuplé de la planète, voit gonfler sa classe moyenne, grosse consommatrice. Avec 50 millions de personnes, elle dépasse déjà celle de l'Inde, et devrait atteindre 171 millions d'ici à 2020, selon la Standard Chartered.

La consommation intérieure représente plus de la moitié du PIB indonésien, rendant l'économie moins dépendante des exportations et donc moins vulnérable aux soubresauts venus d'Europe ou des États-Unis.

L'Indonésie, premier exportateur mondial d'étain et d'huile de palme brute, et deuxième de houille, a vu ses ventes à l'étranger bondir de plus de 30% sur les dix premiers mois de l'année.

Certes, elles ont reculé de plus de 4% en octobre. Mais les experts n'y voient pas là raison de paniquer. «L'Indonésie serait affectée par une crise économique mondiale, mais pas autant que d'autres pays», assure à l'AFP Edimon Ginting, économiste à la Banque asiatique de développement (BAD).

L'agence de notation Moody's, qui a récemment relevé la note de l'Indonésie à Ba1 - soit sept crans au-dessus de celle de la Grèce -, souligne de plus que «le déficit budgétaire est resté inférieur à 2% du PIB depuis 2001» (contre plus de 5% en France). La dette publique ne dépasse pas quant à elle les 30% (plus de 85% pour la France).

Mais le miracle indonésien n'est pour beaucoup qu'un mirage.

Selon la Banque asiatique de développement (BAD), le nombre d'Indonésiens vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté de près de trois millions en trois ans, pour atteindre 43,1 millions en 2010, soit près de 20% de la population. L'archipel est ainsi le seul pays d'Asie du Sud-Est à ne pas réduire la pauvreté.

Les palaces dorés des nouveaux milliardaires de Jakarta continuent ainsi à côtoyer les «kampung», ces quartiers sordides faits de taudis délabrés où le sida fait des ravages: cinq millions d'Indonésiens sont séropositifs, selon l'Onusida.

«L'Indonésie connaît une forte croissance économique, mais elle ne bénéficie pas à tous», résume Hendri Saparini, directeur de l'Econit Advisory Group, un centre de réflexion indépendant.