Le Pakistan a décidé mardi de boycotter la conférence internationale sur l'Afghanistan prévue le 5 décembre à Bonn en Allemagne, une nouvelle mesure de représailles après la bavure de l'OTAN qui a tué 24 de ses soldats samedi à la frontière afghane.

L'armée américaine, qui dirige la force internationale de l'OTAN en Afghanistan (ISAF), a annoncé qu'une équipe d'enquêteurs emmenée par le général américain Stephen Clark rendrait d'ici au 23 décembre un premier rapport sur les circonstances de ce bombardement, que le président Barack Obama a qualifié de «tragédie».

Trois jours après ces frappes aériennes de l'OTAN sur deux camps militaires pakistanais près de la frontière afghane, Islamabad a convoqué mardi un conseil des ministres extraordinaire.

Dénonçant une «opération unilatérale inacceptable», «le cabinet a décidé de ne pas participer à la conférence de Bonn», a déclaré un responsable gouvernemental sous le couvert de l'anonymat.

Il s'agit d'une nouvelle mesure de rétorsion du Pakistan à l'encontre des Occidentaux après le blocage, toujours en cours sur son territoire, des camions de ravitaillement de l'ISAF, l'annonce d'une révision de la coopération antiterroriste avec les États-Unis et l'ordre donné aux Américains d'évacuer une base militaire qu'ils occupent dans le sud-ouest.

La conférence du 5 décembre à Bonn, est une énième réunion internationale consacrée à l'aide à l'Afghanistan. Des ministres de 100 pays doivent notamment y discuter de l'avenir du pays après le retrait total des troupes de combat de l'OTAN, prévu fin 2014.

Une perspective qui inquiète dans un pays que dix ans d'intervention militaire occidentale n'ont pas réussi à stabiliser, la rébellion menée par les talibans ayant même gagné du terrain ces dernières années.

Dans ce contexte, le Pakistan voisin, dont les zones frontalières sont utilisées comme bases arrières par les insurgés, est considéré comme un acteur essentiel dans la résolution du conflit.

Parrain historique des talibans afghans lorsqu'ils étaient au pouvoir à Kaboul (1996-2001), le Pakistan est régulièrement accusé d'avoir gardé des liens étroits avec eux après qu'ils ont été chassés du pouvoir par une coalition militaire internationale emmenée par les États-Unis.

Des responsables occidentaux, notamment américains, ont estimé ces derniers mois que le Pakistan, bien qu'officiellement allié aux États-Unis, instrumentalisait certains groupes talibans pour défendre ses intérêts stratégiques en Afghanistan dans la perspective du futur retrait occidental, notamment pour y contrer l'influence grandissante de son rival indien.

Face à l'impasse militaire, les responsables occidentaux admettent de plus en plus qu'il faudra une solution politique pour pacifier l'Afghanistan, et notamment un accord de paix avec la rébellion.

Ils ont pour cela appelé le Pakistan, où vivraient nombre de chefs talibans afghans selon des sources proches de la rébellion, à oeuvrer pour convaincre ces derniers de participer à des négociations de paix qu'ils ont pour l'heure toujours publiquement rejetées.

À Washington, le président Barack Obama a estimé lundi que la mort des 24 soldats pakistanais était «une tragédie», tout en insistant sur l'importance de maintenir des liens entre Washington et Islamabad, son allié-clé depuis fin 2001 dans sa «guerre contre le terrorisme».

Cette bavure a ravivé la crise américano-pakistanaise provoquée par le raid clandestin de commandos américains qui avaient tué Oussama ben Laden le 2 mai dernier à Abbottabad, dans le nord du Pakistan.

L'OTAN, qui a regretté dimanche un «incident tragique» et «involontaire»,  a admis que ses appareils, appelés avant l'aube par des troupes au sol, avaient «très probablement» bombardé les positions pakistanaises.

Mais les circonstances exactes du drame restent mystérieuses. Le Pakistan assure que les frappes n'ont été provoquées par aucun geste hostile de ses soldats, mais des sources occidentales et afghanes anonymes ont déclaré dans certains médias que les soldats de l'ISAF avaient essuyé des tirs provenant des positions militaires pakistanaises. Ni l'ISAF, ni Washington n'ont confirmé ces informations.