Le Pakistan a annoncé samedi qu'il allait reconsidérer tous ses accords avec Washington et l'Otan, notamment dans les domaines diplomatique, militaire et du renseignement, à la suite de la pire bavure des Occidentaux au Pakistan en dix ans, qui a provoqué la mort de 26 militaires.

A l'issue d'une réunion extraordinaire de ses principaux responsables, le gouvernement pakistanais a par ailleurs ordonné aux Américains de se retirer dans les 15 jours de la base aérienne de Shamsi, située dans le sud-ouest du Pakistan, et a fermé toutes les voies d'approvisionnement de l'Otan en Afghanistan à partir de son territoire.

Les ministres et les chefs les plus importants de l'armée ont participé à la réunion de samedi du Comité de défense du gouvernement (DCC) sous la présidence du premier ministre Yousuf Raza Gilani, a précisé le bureau de ce dernier.

«Le DCC a décidé de fermer avec effet immédiat les voies d'approvisionnement logistique de l'Otan/Isaf (la force de l'Otan en Afghanistan)», selon la même source.

La grande majorité de ces approvisionnements arrive par bateau au Pakistan à Karachi (sud), le principal port du pays, avant d'être acheminé en Afghanistan par la route.

«Le DCC a aussi décidé de demander aux États-Unis de quitter dans les quinze jours la base aérienne de Shamsi» qui serait utilisée par la CIA dans le cadre de ses raids de drones dans les zones tribales pakistanaises frontalières de l'Afghanistan.

De plus, «le DCC a décidé que le gouvernement allait complètement reconsidérer tous ses programmes, activités et accords de coopération avec les États-Unis, l'Otan et l'Isaf, y compris diplomatiques, politiques, militaires et dans le renseignement», a annoncé le bureau de M. Gilani.

Le Pakistan a accusé l'Alliance atlantique d'avoir tué jusqu'à 26 militaires pakistanais dans une attaque samedi avant l'aube à l'intérieur d'une des zones tribales, principale base arrière des rebelles talibans et d'Al-Qaïda, qui attaquent régulièrement l'Otan sur le sol afghan.

Selon Islamabad, des hélicoptères de l'Otan ont bombardé un poste militaire pakistanais à Baizai, dans le district tribal de Khyber.

«Ils ont tué 26 soldats et en ont blessé 14», a déclaré à l'AFP Masood Kausar, le gouverneur de Khyber Pakhtunkhwa, province du Nord-Ouest du Pakistan, avant de rendre hommage à ces «martyrs».

Dans la soirée, un porte-parole de l'Isaf, le général allemand Carsten Jacobson, a expliqué que des forces afghanes et de l'Alliance atlantique qui opéraient dans la province afghane de Kunar avaient réclamé un soutien aérien et qu'il était «très probable que ce soutien aérien (...) ait causé les pertes» pakistanaises.

L'officier a assuré que les troupes au sol se trouvaient alors à proximité de la frontière pakistanaise.

Dénonçant «une grave infraction à la souveraineté du Pakistan et une violation des lois internationales», le premier ministre Yousuf Raza Gilani a protesté «dans les termes les plus vifs» auprès de l'Otan et des États-Unis, qui dirigent l'Isaf et lui fournissent les deux tiers de ses troupes.

M. Gilani a interrompu son week-end pour regagner Islamabad et s'y entretenir avec le président Asif Ali Zardari et les dirigeants de la très puissante armée qui a dénoncé une attaque «délibérée» et «inacceptable».

Le ministre de l'Information Firdous Ashiq Awan a de son côté estimé que cette attaque allait renforcer le sentiment antiaméricain chez ses compatriotes.

L'ambassadeur des États unis à Islamabad Cameron Munter a, quant à lui, affirmé que son pays travaillerait «étroitement avec Islamabad pour enquêter sur cet incident».

Dans un communiqué commun publié samedi soir, le secrétaire américain à la Défense Leon Panetta et la secrétaire d'État Hillary Clinton ont présenté leurs plus «profondes condoléances», en précisant soutenir «l'intention de l'Otan de lancer une enquête immédiate».

Ils ont également souligné «l'importance» des liens des États-Unis avec le Pakistan.

Selon le communiqué, Mme Clinton, le général américain John Allen, chef de la force de l'Otan en Afghanistan (Isaf), et le général Martin Dempsey, chef d'état-major interarmées, ont appelé leurs homologues pakistanais pour discuter de la situation.

Le Pakistan a plusieurs fois dénoncé ces dernières années des violations de son espace aérien par l'Isaf. La dernière crise remonte à septembre 2010. Islamabad avait alors accusé cette force d'avoir tué trois soldats pakistanais et avait bloqué des camions de ravitaillement de l'Otan pendant près de deux semaines, jusqu'à ce que Washington présente des excuses.

Les États-Unis bombardent régulièrement les talibans et Al-Qaïda dans les zones tribales à l'aide de drones, des raids qu'Islamabad ne dénonce que du bout des lèvres, tant qu'ils ne tuent pas un grand nombre de civils.

Les Américains accusent régulièrement leur allié pakistanais de jouer un double jeu et de soutenir clandestinement les talibans pour défendre ses intérêts stratégiques en Afghanistan, d'où l'Otan prévoit de retirer l'ensemble de ses troupes de combat d'ici à la fin 2014.

Les relations déjà houleuses entre les deux pays se sont envenimées après l'opération unilatérale américaine au cours de laquelle a été tué le chef d'Al-Qaïda Oussama Ben Laden en mai dernier à Abbottabad, une ville de garnison du nord du Pakistan.