Si les pires inondations que la Thaïlande a connues depuis un demi-siècle ont dévasté un tiers du pays et submergé des quartiers du nord de Bangkok, la vie continue malgré tout à se dérouler normalement pour la majorité de la population de la capitale, qui compte neuf millions d'habitants.

Les images terribles des inondations diffusées par les télévisions contrastent totalement avec la situation dans le centre-ville où, en soirée, on peut voir des noctambules siroter des cocktails dans les quartiers chauds et des touristes assis sur des sièges en skaï qui se font faire des massages de pied relaxants.

L'exode temporaire de milliers d'habitants de Bangkok vers des villes voisines et la décision du gouvernement d'accorder cinq jours de congé exceptionnels ont décongestionné la ville, où il est notoirement difficile de circuler.

«C'est mieux, dans un sens», a confié dimanche Nicole Attwater, une touriste venue de Sydney. Elle s'est dite contente de braver les inondations pour visiter le Grand Palais, ancien siège de la monarchie, sans la foule qu'on y trouve habituellement lors de week-ends ensoleillés. «C'est un bon moment pour venir, parce que c'est calme», a-t-elle constaté.

La majeure partie de Bangkok est épargnée par les inondations. Seuls signes d'une situation anormale: l'empilement de sacs de sable autour des hôtels et des maisons, les prédictions apocalyptiques de certains membres du gouvernement ou encore d'expatriés sur leur blogue.

La menace d'inondations à l'intérieur de la métropole reste toutefois réelle. Dans le pays, depuis trois mois, elles ont fait 381 morts, tandis que 110 000 personnes ont été déplacées, dont 10.000 à Bangkok, selon des chiffres officiels. Plusieurs centaines de milliers de personnes ne peuvent plus travailler et les dégâts se chiffrent à plusieurs milliards de dollars.

Les craintes concernant les pires scénarios et les avertissements aux voyageurs émis par les gouvernements étrangers ont réduit de moitié la fréquentation des touristes dans des sites comme le Grand Palais. Mais pour Keerati Atui, un guide touristique, le plus gros problème, ce sont les médias qui ont donné l'impression que la majeure partie de Bangkok était inondée. «Regardez: c'est sec. Tout est normal ici», lance-t-il, montrant des touristes qui pénètrent dans le Grand Palais.

Le premier ministre, Mme Yingluck Shinawatra, s'est dit confiant pour Bangkok, estimant que la majeure partie de la ville pourrait être épargnée. Si les eaux ont débordé certaines digues, les autres défenses de la capitale ont plutôt bien résisté aux très fortes marées du week-end.

La décrue s'amorçait dans nombre de zones submergées du pays. Mais plusieurs communes restaient sous les eaux et la lutte se poursuivait pour protéger le centre de Bangkok du flot descendant du nord vers le golfe de Thaïlande.

À la périphérie septentrionale de la ville, les secours ont dû évacuer une femme enceinte du quartier inondé de Thonburi. «On a dû l'emmener à l'hôpital», a indiqué un membre de l'équipe de secours de la marine, Nitipat Mongolpradit.

Le réseau de digues installé autour du fleuve Chao Phraya a cédé dans au moins deux quartiers sous l'effet d'une grande marée samedi, les eaux se déversant dans les rues.

Selon le gouverneur de Bangkok, Sukhumbhand Paribatra, le niveau du Chao Phraya a atteint une hauteur record de 2,53m, soit trois centimètres de plus que la hauteur des digues. Mais les eaux étaient censées redescendre en dessous du niveau critique lundi et les autorités laissent entendre que la situation pourrait ensuite s'améliorer.

Mme Yingluck, qui devait présider une réunion de crise ce dimanche, a demandé aux habitants de la capitale d'être «confiants». «Nous nous remettrons bientôt», a-t-elle assuré.