De nombreux habitants de Bangkok fuyaient jeudi la mégalopole, en autobus, en train ou en avion, au premier jour d'un week-end exceptionnel de cinq jours décrété à la hâte par le gouvernement pour faire face à des inondations historiques.

La capitale de 12 millions d'habitants s'est préparée pour recevoir les tombereaux d'eau qui inondent depuis des semaines une vaste région du nord et du centre du pays. Une masse qui descend inexorablement vers le golfe de Thaïlande, force les digues et fait déborder fleuves et canaux.

Certains quartiers du centre de Bangkok, le long du fleuve Chao Phraya, sont noyés. L'eau s'est notamment infiltrée dans l'enceinte du Palais royal.

Plusieurs districts du Nord sont aussi très inondés, dont celui de Don Mueang et son aéroport (vols intérieurs), fermé depuis mardi au trafic aérien mais d'où continue à travailler le Centre de coordination des secours (FROC) malgré une coupure d'électricité.

«C'est une crise, car si nous essayons de résister à ce volume d'eau énorme, une force de la nature, nous ne gagnerons pas», a insisté jeudi la première ministre Yingluck Shinawatra, une nouvelle fois les larmes aux yeux.

Les sinistrés de Bangkok intra-muros dépassaient déjà les 7500 personnes. Des dizaines de milliers de soldats se sont joints aux opérations de secours.

Alors que le FROC a appelé la population à «réfléchir à évacuer vers d'autres lieux», bus, trains et routes étaient pris d'assaut, notamment en direction de Pattaya, Hua Hin ou Phuket, stations balnéaires du sud épargnées par les inondations.

«Toutes ces destinations sont bondées en raison des Thaïlandais qui ont quitté Bangkok», a indiqué à l'AFP le directeur adjoint de l'Autorité thaïlandaise du Tourisme, Sansern Ngaorungsi.

Les vols intérieurs depuis l'aéroport international Suvarnabhumi, qui fonctionne normalement, sont également «très, très remplis».

«Les embouteillages vers Pattaya (...) ont commencé à se former mercredi soir», a indiqué pour sa part Norraboon Nanna, commandant de la police de l'autoroute.

Alors que de nombreux pays conseillent à leurs ressortissants d'éviter tout voyage non essentiel, les expatriés se sont joints à l'exode.

«J'ai vu aux informations que l'eau se rapprochait. Peut-être qu'elle ne va pas venir, mais je ne veux pas prendre le risque», a expliqué Claude Kerrigan, un Canadien de 72 ans, en attendant un bus pour Pattaya. «Beaucoup de gens de mon immeuble sont déjà partis».

Bangkok avait parfois des allures de chantier, les uns continuant à empiler des montagnes de sacs de sable aux endroits stratégiques, les autres construisant à la hâte des murs de briques ou de parpaings devant leur maison ou leur magasin.

Ceux qui ont décidé de rester vidaient encore un peu plus les rayons des supermarchés, qui manquaient déjà cruellement d'eau potable.

Une «inquiétude» pour beaucoup, alors que «l'eau du robinet devient marron dans certains endroits», a noté Jerry Velasquez, directeur régional de l'organe de l'ONU chargé de la Stratégie internationale de prévention des catastrophes (UNIDSR).

«Bangkok en est toujours à la première phase», a-t-il prévenu. «Ce sont des inondations comme on en voit qu'une seule fois en un siècle».

Les services publics étaient fermés jeudi dans la capitale, tout comme dans 20 autres provinces qui bénéficient des jours fériés décrétés par le gouvernement jusqu'à lundi, pour permettre aux habitants d'évacuer ou de se préparer au pire.

En revanche, la Bourse de Thaïlande et les banques privées resteront ouvertes.

Selon le Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), 1,2 milliard de mètres cubes d'eau, soit le volume d'un demi-million de piscines olympiques, va arriver dans la capitale ce week-end alors que de grandes marées doivent rendre plus difficile leur évacuation vers la mer.

La mousson, surabondante, a déjà fait plus de 370 morts dans toute la Thaïlande depuis juillet. Des milliers d'usines ont été inondées dans le royaume, mettant au chômage technique plus d'un demi-million de personnes.