Interminable et lointaine, la guerre en Afghanistan a perdu en dix ans une grande partie de sa légitimité aux yeux des Européens, qui réclament le retour rapide des quelque 30 000 soldats toujours déployés sur place.

Alors que la guerre bénéficiait d'un large soutien il y a dix ans, «c'est un sentiment de lassitude qui domine en Europe» à présent, résume Étienne de Durand, chercheur à l'Institut de relations internationales (Ifri).

Aucune manifestation d'envergure n'est d'ailleurs prévue pour marquer ou dénoncer le dixième anniversaire de l'opération lancée, le 7 octobre 2001, contre le régime taliban de Kaboul et Al-Qaïda.

«L'intérêt pour l'Afghanistan est aujourd'hui proche de zéro», affirme Jan Techau, de l'institut Carnegie Europe à Bruxelles. «Le débat politique est quasi inexistant. Seules les grosses attaques menées par les talibans rencontrent un certain écho».

Bryan Parry, fondateur d'une association d'aide aux anciens combattants britanniques, souligne ainsi l'énorme écart de visibilité entre le conflit en Libye, «très suivi par les médias», et l'Afghanistan, «laissé dans l'oubli» ces derniers mois.

Pour les experts, ce désintérêt est somme toute logique. Outre l'éloignement, la guerre afghane «reste assez limitée en terme de mobilisation de moyens, de victimes et de coût» par rapport à d'autres guerres comme celle du Vietnam, relève M. de Durand.

Depuis 2001, les pays européens engagés ont perdu quelque 750 hommes, les plus touchés étant le Royaume-Uni (382 morts), la France (75) et l'Allemagne (53), selon le décompte effectué par le site icasualties.org. «La France a jusqu'à présent subi moins de pertes en Afghanistan que durant l'intervention en Bosnie, pourtant plus courte», souligne M. de Durand.

De plus, les Européens n'ont jamais contesté la prééminence des États-Unis sur la conduite de la guerre. Ils leur ont laissé mobiliser l'essentiel des forces (90 000 sur 130 000 actuellement), des moyens et des décisions stratégiques.

En «se contentant de suivre les Américains», les gouvernements européens «n'ont pas pris la peine d'expliquer à leurs opinions les enjeux du conflit», estime le chercheur.

Ce déficit de communication a été particulièrement criant lorsque la situation s'est de nouveau tendue, à partir de 2006-07, avec le retour en force de l'insurrection talibane.

«S'est ainsi créée une distorsion entre la rhétorique officielle et la réalité. L'accumulation des pertes et des attentats spectaculaires a donné une visibilité totalement négative à la situation en Afghanistan», souligne l'expert de l'Ifri, qui évoque une guerre devenue «poisseuse».

De ce fait, seuls 28% des Européens se déclarent aujourd'hui optimistes quant aux chances de stabiliser l'Afghanistan, selon un récent sondage publié par le German Marshall Funds.

Ils sont devenus une large majorité (66%) à réclamer le retrait ou la réduction des troupes déployées dans le pays tandis que seuls 3% souhaitent leur augmentation.

De Londres à Varsovie, les gouvernements ont enclenché le mouvement, ayant rapidement emboîté le pas aux États-Unis lorsque Barack Obama a annoncé en juin le premier rapatriement de 30 000 soldats d'ici l'été 2012.

Pays le plus impliqué après les États-Unis avec 9500 soldats, le Royaume-Uni va commencer à en rapatrier 500 d'ici à la fin 2012. La France prévoit d'en retirer un millier, sur 4000, à la même échéance, tandis que l'Espagne, l'Italie, la Pologne et la Belgique allègent aussi leur dispositif.

Troisième pourvoyeuse de troupes, avec près de 5000 soldats, l'Allemagne se refuse quant à elle à dévoiler l'échéancier de son retrait.