Le militant indien anticorruption Anna Hazare a accepté de cesser sa grève de la faim après avoir arraché des concessions auprès des parlementaires, un accord qui met fin à une crise de douze jours ayant fortement ébranlé le pouvoir.

Sa campagne visant à durcir la législation en matière de lutte contre la corruption, dans un pays où le versement de pots-de-vin fait partie des moeurs, a trouvé un immense écho au sein d'une population révoltée par ce fléau endémique.

«Pendant 12 jours, le peuple de ce pays était ici, c'est leur victoire!», a-t-il clamé devant une foule de partisans en liesse.

Le militant de 74 ans, qui a perdu sept kilos, a accepté de mettre fin dimanche à son jeûne entamé le 16 août.

«À 10h demain (0h30, heure de Montréal), je veux rompre mon jeûne parmi vous tous», a-t-il ajouté, enjoignant à ses partisans de ne pas créer de troubles, tandis que certains commençaient déjà à fêter leur succès en se dessinant des drapeaux indiens sur les joues et en allumant des bougies.

«Ne perturbez pas la paix», a-t-il plaidé, avant de lancer son slogan désormais rituel, repris en choeur par la foule: «Victoire pour notre mère l'Inde, longue vie à la révolution !»

Un porte-parole de sa campagne L'Inde contre la corruption, Vibhav Kumar, avait un peu plus tôt déclaré à l'AFP qu'Anna Hazare était «content de la résolution du gouvernement acceptant ses dispositions».

Sa campagne s'est cristallisée sur un projet de loi anticorruption qui vise à créer un poste de médiateur de la République devant surveiller les hommes politiques et les bureaucrates.

Anna Hazare a entamé une grève de la faim le 16 août, devenue publique trois jours plus tard sur une esplanade du centre de New Delhi, pour exiger le retrait du projet de loi et l'adoption d'une version plus radicale.

Au fil des jours, ses demandes se sont portées sur trois points principaux. Le ministre des Finances, Pranab Mukherjee, a déclaré samedi que les parlementaires en avaient accepté le principe, à l'issue d'un long débat à la Chambre haute du parlement.

Il s'agit de la création d'un médiateur de la République dans chacun des 29 États de l'Union indienne, de la rédaction d'une «charte du citoyen» expliquant les droits du peuple et de l'extension des pouvoirs du médiateur à tous les fonctionnaires du gouvernement.

Le processus de rédaction de la nouvelle loi sera à la charge de la commission permanente du parlement.

Le militant avait dans un premier temps exigé que le premier ministre soit aussi soumis à une enquête du médiateur en cas de soupçon de corruption.

La campagne de cet admirateur de Gandhi, héros de l'indépendance de l'Inde, avec qui il partage une certaine ressemblance physique, a fait l'objet de sévères critiques en dépit de l'immense vague de soutien populaire et médiatique.

Rahul Gandhi, considéré comme le potentiel futur Premier ministre de l'Inde et fils de la dirigeante du parti au pouvoir, a ainsi jugé que son action menaçait le processus démocratique en forçant la main au pouvoir législatif de la «plus grande démocratie du monde».

Sa tactique a aussi été critiquée par des figures du militantisme qui ont dénoncé le «nationalisme agressif» du militant et l'espoir qu'il a fait naître au sein de la population selon lequel un seul projet de loi aurait le pouvoir d'éradiquer la corruption en Inde.

En première ligne pendant la crise, le premier ministre, Manmohan Singh, avait d'abord qualifié la campagne d'Hazare d'«infondée» au regard de la prérogative exclusive du parlement, avant d'adopter un ton plus conciliant, prenant acte de la «colère» du pays et saluant même l'«idéalisme» du militant.

Depuis des mois, des scandales de corruption ont défrayé la chronique, y compris au sein du gouvernement, le plus retentissant d'entre eux ayant porté sur la vente présumée frauduleuse de licences de téléphonie mobile orchestrée par l'ancien ministre des Télécommunications.