Le nouveau gouvernement «civil» birman, qui vient de tendre la main à l'opposante Aung San Suu Kyi, cherche à se débarrasser de son image de paria sur la scène internationale, mais les espoirs de réformes concrètes sont encore minces, selon les analystes.

La lauréate du prix Nobel de la paix s'est entretenue pour la première fois vendredi avec le nouveau président Thein Sein, le dernier geste en date d'un régime qui tente d'apaiser les critiques.

Presque rien n'a filtré de cette rencontre d'environ une heure avec l'ancien général et ancien Premier ministre de la junte, mais les analystes y voient malgré tout une étape importante pour le gouvernement issu des élections décriées de novembre.

La junte du généralissime Than Shwe a été dissoute et ses pouvoirs officiellement transférés fin mars à un gouvernement «civil».

Ces nouveaux dirigeants, la plupart d'anciens militaires ayant abandonné l'uniforme pour se présenter aux élections, veulent montrer qu'«ils sont aux commandes et pas l'armée», souligne l'analyste Aung Naing Oo, du Vahu Development Institute.

«Ils veulent être vus en train de faire quelque chose de bien pour le pays, et par-dessous tout, qu'ils sont un gouvernement civil, quels que soient leurs liens avec l'ancien régime».

Mme Suu Kyi a elle-même été surprise par le changement d'attitude des autorités à son égard, selon l'analyste. Et quelles que puissent être leurs motivations, ce dialogue est «extrêmement important» pour la réconciliation nationale.

La lauréate du prix Nobel de la paix a été libérée de sept années de résidence surveillée en novembre, une semaine après les élections auxquelles elle n'a pas participé.

En juin, le gouvernement lui avait demandé d'arrêter ses activités politiques et prévenue que la tournée politique qu'elle avait évoquée risquait d'entraîner «le chaos et des émeutes». Mais il semble avoir changé de stratégie ces dernières semaines.

L'opposante a rencontré par deux fois le ministre du Travail, avant le président en personne. Elle a aussi pu effectuer sans encombre son premier déplacement politique en dehors de Rangoun, appelant à l'unité du pays devant des milliers de partisans.

Les autorités ont également appelé à des négociations de paix avec les groupes ethniques rebelles et autorisé la visite à partir de dimanche du rapporteur spécial de l'ONU pour les droits de l'Homme en Birmanie, Tomas Ojea Quintana, pour la première fois depuis février 2010.

Mais malgré ces «avancées», il est encore «trop tôt pour dire si c'est un nouveau départ ou des gestes vides de sens», souligne Win Min, chercheur basé aux États-Unis.

Le nouveau régime est prêt à «tolérer certaines activités de l'opposition et à coopérer avec elle sur des questions de développement, pour gagner une reconnaissance régionale et internationale», poursuit-il.

L'Occident impose depuis des années des sanctions politiques et économiques contre la Birmanie, réclamant des réformes, en particulier la libération des quelque 2000 prisonniers politiques et la fin des violations des droits de l'Homme.

Le gouvernement voudrait d'autre part convaincre ses pairs de l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est (Asean) qu'il a mérité de se voir confier la présidence du groupe régional en 2014.

Le parti créé par la junte a remporté une victoire écrasante lors du scrutin de novembre et le gouvernement veut le prestige de cette présidence avant la prochaine échéance électorale en 2015, souligne un spécialiste de la Birmanie qui a préféré rester anonyme.

Mais dans un pays dirigé par des juntes successives pendant un demi-siècle, certains progrès, comme la fin de la guerre civile avec des groupes rebelles ethniques, prendront beaucoup plus de temps, souligne-t-il.

«Nous devons être très prudents en imaginant que la réforme d'un pays comme la Birmanie arrivera du jour au lendemain. Mais cela avance dans la bonne direction, et plus rapidement que quiconque aurait pu l'imaginer».