L'opposante birmane Aung San Suu Kyi a appelé dimanche à l'unité de son pays lors de son premier déplacement politique hors de Rangoun depuis sa libération de résidence surveillée en novembre, attirant des milliers d'admirateurs sur son passage.

La lauréate du prix Nobel de la paix est arrivée dimanche matin dans la province de Bago, à une centaine de kilomètres chez elle, défiant les mises en garde du régime concernant sa sécurité.

La police a tenté d'écarter les centaines de personnes massées le long des routes entre les villes visitées pour saluer le cortège d'une trentaine de voitures transportant l'opposante, des membres de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), son parti dissous, des diplomates et des journalistes.

Ses partisans criaient à son passage ou agitaient de petits drapeaux portant l'inscription «Nous aimons mère Suu»!».

«Je suis très heureuse de la voir. Nous le sommes tous (...) Je ne l'avais jamais vue en personne», a commenté Win Win Myint, une étudiante de 23 ans.

L'opposante, 66 ans, a commencé ce déplacement d'une seule journée par la visite d'une pagode. Avant d'inaugurer deux bibliothèques, prononçant à chaque fois un discours, à Tha Nat Pin devant 600 personnes et à Bago, devant quelque 2000 personnes.

«Nous pourrons développer ce pays seulement si nous travaillons tous ensemble», a-t-elle déclaré. «L'unité est la force, l'unité est nécessaire partout et elle est nécessaire surtout dans notre pays».

Elle a assuré avoir déjà «essayé de son mieux» depuis ses débuts en politique il y a plus de vingt ans. «Je continuerai autant que je pourrai», a-t-elle promis, remerciant ses partisans pour leur soutien et les appelant à le «poursuivre».

Son appel à l'unité pourrait être un geste de bonne volonté envers le nouveau gouvernement «civil», étant donnée la nature très sensible de ce déplacement.

En juin, le régime l'avait prévenue que la tournée politique en province qu'elle avait évoquée risquait d'entraîner «le chaos et des émeutes». Mais Mme Suu Kyi est rentrée dimanche soir à Rangoun après ce déplacement d'une seule journée apparemment sans incident.

Alors que l'opposante a connu par le passé des tournées particulièrement difficiles, le porte-parole de la LND Nyan Win avait indiqué que sa sécurité serait assurée par les membres du parti, avec l'aide des autorités, et qu'elle essaierait d'organiser d'autres déplacements.

En 2003, elle et son équipe avaient été agressées dans une embuscade, semble-t-il orchestrée par la junte au pouvoir, qui avait fait une centaine de morts selon la LND, quatre selon le régime.

L'agression avait conduit à son placement en résidence surveillée pour sept ans, jusqu'à sa libération en novembre dernier, une semaine après les premières élections en 20 ans.

Juste après la mise en garde du gouvernement en juin, la lauréate du prix Nobel de la paix avait testé une première fois les limites de sa liberté en effectuant son premier déplacement hors de Rangoun, à Bagan (centre), où elle avait déjà attiré des admirateurs émus. Mais ce voyage de quelques jours avec son fils avait un caractère strictement privé.

Depuis, les relations semblent s'être un peu réchauffées entre le régime et Mme Suu Kyi qui a rencontré par deux fois un membre du nouveau gouvernement «civil».

Leur premier entretien du 25 juillet avait été salué par les observateurs, qui avaient malgré tout douté qu'il réponde aux demandes de mesures concrètes de la communauté internationale, qui réclame notamment la libération des plus de 2000 prisonniers politiques.

Vendredi, le gouvernement a promis de continuer le dialogue avec l'opposante.

Depuis le scrutin décrié de novembre, la junte du généralissime Than Shwe s'est autodissoute et a passé la main, fin mars, à un gouvernement dit «civil», mais entièrement contrôlé par les militaires.