L'accident tragique de TGV en Chine a mis en relief à la fois la méfiance croissante de la population vis-à-vis de son gouvernement et la difficulté de plus en plus grande qu'ont les autorités chinoises à contrôler l'information avec près d'un demi-milliard d'internautes.

La collision de deux TGV, qui a fait 40 morts et 191 blessés le 23 juillet, a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux, très populaires en Chine, où des milliers de personnes ont exigé de savoir pourquoi la sécurité avait été si défaillante sur le réseau à grande vitesse.

Au coeur de la colère populaire, l'idée que les autorités, déjà jugées responsables de nombreux autres scandales ayant coûté des vies, comme celui du lait contaminé en 2008, avaient accordé la priorité au développement économique plutôt qu'au bien-être des citoyens.

Les médias chinois, pourtant étroitement contrôlés, s'étaient montrés extrêmement critiques, le Quotidien du peuple --organe officiel du Parti communiste-- allant jusqu'à estimer que la Chine n'avait pas besoin d'un «PIB entaché de sang».

En une semaine, le très impopulaire département de la Propagande avait fait taire les critiques, mais, pour l'image du gouvernement, le mal était fait.

«Ils pensent: on construit tous ces trucs pour vous (..) pourquoi n'êtes-vous pas reconnaissants?» écrivait le célèbre blogueur Han Han, dont le message a ensuite été effacé.

La Chine utilise les grands projets d'infrastructure pour rehausser son prestige, mais l'image du réseau de TGV, le plus long du monde seulement quatre ans après son démarrage, en a pris un coup.

Et même avant l'accident de la fin juillet. Inaugurée en fanfare le 30 juin, la nouvelle ligne Pékin-Shanghai a accumulé les défaillances techniques et à certaines heures, moins d'un tiers des sièges sont occupés. Le précédent ministre des Chemins de fer avait été limogé pour corruption en février.

Après le drame des TGV, le gouvernement a soufflé le chaud et le froid, s'excusant platement et promettant une amélioration de la sécurité d'une part, muselant la presse d'autre part.

Mais avec 485 millions d'internautes, et les sites de microblogs comme Weibo, le Twitter chinois, il est de plus en plus difficile au Parti communiste de contrôler les flux d'informations et d'appliquer la censure.

Apparemment, c'est un microblogueur habitant près du lieu de l'accident de TGV, dans la banlieue de Wenzhou (est), qui a annoncé la collision, puis des millions de messages très critiques sont arrivés en rafales sur Weibo.

«On vit une révolution des microblogs», explique l'enseignant des médias Zhan Jiang, à l'Université des études étrangères à Pékin.

«La société va devenir plus transparente lorsque les microblogs pourront délivrer les informations plus rapidement que les médias traditionnels».

Après la collision des deux trains sur un viaduc, les autorités ont accumulé les erreurs, précipitant les opérations de secours pour faire repartir le trafic au plus vite.

Des séquences vidéo disséquées sur la Toile montrent des pelleteuses en train de pousser les épaves des wagons dans une fosse.

Des films amateurs publiés sur l'internet qui semblent montrer la chute de deux corps au moment où les secours font tomber un wagon resté suspendu au viaduc ont horrifié bien des Chinois.

Assurant que l'évacuation des wagons vers la fosse avait été nécessaire pour les secours, le porte-parole du ministère des Chemins de fer Wang Yongpin a expliqué, dans une réplique devenue célébrissime sur le Net: «Croyez-le ou non, en tout cas, moi, je le crois».

Pour l'analyste Russell Leigh Moses, l'accident de TGV «ne marquera peut-être pas un tournant». «Mais il montre au pouvoir que les politiques inflexibles ne résolvent pas certains problèmes dans le système».